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Professeur de sociologie et d'histoire.

vendredi 3 novembre 2006

Six ans plus tard. La transformation de l'Amérique sous Bush

Il y a des ces moments charnières de l’histoire qui constituent des tournants. La chute du mur de Berlin (1989) ou l’écrasement des tours jumelles du World Trade Center (2001) en sont des exemples. Ils s’avèrent être des événements saillants certes, mais les faits de civilisation derrière ces événements (la chute du communisme d’une part; le début de la War on Terror d’autre part) sont les véritables sources de changement.

George W. Bush et son administration, instigateurs de cette guerre au terrorisme, ne passeront assurément pas à l’histoire pour avoir été une bonne administration des États-Unis d’Amérique. Et pourtant, Bush aura quand même sa place dans l’histoire comme président marquant. Marquant par sa maladresse, par son incompétence, par son manque de vision et même par ses lacunes langagières. Mais marquant! Au fait, qu’est-ce qui me permet d’être aussi sévère à l’endroit de l’administration Bush?

Sur le plan intérieur, le pays est plus instable que jamais. L’ouragan Katrina (2005) a bien mis en lumière les problèmes raciaux au cœur de la société américaine. Le nombre de crimes violents par habitant est le deuxième plus élevé de la planète (après le Brésil). L’immigration clandestine en provenance du Mexique ne cesse d’affluer. C’est sans compter l’endettement qui afflige non seulement le gouvernement, mais aussi et surtout les ménages étasuniens. Cette économie est basée sur des valeurs de surconsommation, voire de gaspillage.

Qu’est-ce que l’administration Bush a fait pour améliorer la situation ces dernières années? Aucun plan environnemental (de peur que la croissance ne soit freinée), aucune mesure d’intégration des immigrants, aucune réglementation permettant le contrôle des armes, aucune vision quoi! Au contraire, que des mesures répressives! On construit davantage de prisons et on restreint les droits et libertés des minorités. L’État se désengage dans tous les domaines sociaux, les impôts sont réduits, mais les dépenses militaires augmentent de manière faramineuse. Résultat : les surplus d’une centaine de milliards de dollars sous l’administration Clinton sont devenus un déficit de près d’un demi-billion de dollars annuellement.

D’autre part, la date du 11 septembre 2001 s’avère être le moment justificateur de toute la politique extérieure américaine de ce gouvernement qui venait tout juste de prendre le pouvoir. En ce sens, il n’est pas surprenant que la «théorie du complot» fasse de plus en plus d’adeptes chez les opposants aux Républicains. Après le 11 septembre, c’est l’attaque de l’Afghanistan. Après l’Afghanistan, c’est l’invasion de l’Irak. Au nom de quoi déjà? De la liberté? De la démocratie? D’accord. Mais dites-moi donc qui est plus libre qu’il ne l’était avant 2001? Les Afghans occupés? Les Irakiens au cœur d’une guerre civile? Cessons de se cacher la tête dans le sable : toute cette politique extérieure n’est que le prétexte nécessaire pour augmenter les dépenses militaires, pour augmenter les mesures de contrôle de toutes sortes et pour justifier des interventions de la CIA dans nombre de pays du monde arabo-musulman. C’est aussi le prétexte nécessaire pour garder une certaine forme de contrôle sur l’or noir si important au maintien de l’économie artificielle américaine.

Pour rassurer les trop nombreux soldats Canadiens qui participent à l’effort de «reconstruction» de l’Afghanistan, sachez que je ne doute pas qu’il puisse y avoir de bons principes derrière ces invasions (l’exportation de l’idée de démocratie, la construction d’écoles, l’amélioration du statut des femmes). Néanmoins, il faudrait nommer les choses par leurs noms : c’est du néo-colonialisme.À l’approche des élections de mi-mandat aux États-Unis, le décompte s’amorce. Plus que deux ans avant que George W. Bush ne se retire. Mais soyons conscients que derrière le personnage Bush fils, derrière la «marionnette», se cache toute l’idéologie néo-conservatrice qui, elle, n’a pas l’intention de perdre le pouvoir. Cette administration a déjà fait beaucoup de dommages en six ans. Elle a transformé l’Amérique en un continent un peu plus paranoïaque, un peu plus armé, un peu plus replié sur lui-même et, surtout, un peu plus xénophobe. Est-ce l’Amérique que nous voulons pour le troisième millénaire?