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Professeur de sociologie et d'histoire.

mardi 29 septembre 2009

Le mirage de la croissance verte selon Hervé Kempf

Les éditions du Seuil publiaient au début de l’année 2009 le nouvel essai d’Hervé Kempf : Pour sauver la planète, sortez du capitalisme. Journaliste au Monde, Kempf s’intéresse depuis de nombreuses années à l’impact d’une forme sauvage de développement capitaliste sur l’avenir de la planète. Cet ouvrage s’inscrit en continuité avec son essai Comment les riches détruisent la planète (Paris, Seuil, 2007). Il dénonçait alors le lien intrinsèque entre les crises sociales et environnementales de notre planète et l’essor incontrôlé du capitalisme.

Cette fois-ci, dans son chapitre «Le mirage de la croissance verte», Kempf s’attaque au «fétichisme technologique», c’est-à-dire à cette croyance du progrès technologique salvateur de toutes les crises. Plutôt que de chercher à maintenir artificiellement la croissance du capitalisme à l’aide d’énergies alternatives, Kempf propose une remise en question de tout le système. Tour à tour, il discrédite ainsi les diverses formes d’énergie ciblées comme les énergies de l’avenir. Le nucléaire n’est pas la solution en raison de sa menace constante. L’énergie éolienne n’est ni aussi verte ni aussi efficace qu’on le croit. Quant aux agrocarburants, ils ont des effets pervers désastreux.

L’ouvrage de Kempf (particulièrement le chapitre sur la croissance verte) dénonce brillamment le mythe d’une croissance illimitée de l’économie. C’est le système capitaliste en son entier qui doit être revu, comme le suggère le titre de l’ouvrage. L’auteur se contente cependant de faire des constats sans élaborer davantage sur les perspectives d’avenir. Ainsi, des questions demeurent. Que faut-il penser du terme altéré de «développement durable»? Faut-il prêcher un retour à une forme quelconque de socialisme? Faut-il plutôt prôner une idéologie de la décroissance? L’humanité a-t-elle besoin d’un vent réformiste ou révolutionnaire? Kempf demeure silencieux sur ces questions.

lundi 7 septembre 2009

Déficit démocratique à Trois-Rivières

Cet automne, les campagnes électorales risquent d’être à l’avant-plan une fois de plus dans l’actualité québécoise. Depuis 2003, les Québécois ont été appelés aux urnes pour trois élections provinciales (2003, 2007, 2008) et trois élections fédérales (2004, 2006, 2008). Tout indique qu’une autre élection fédérale se prépare à Ottawa. Dans ce contexte, il n’est pas très surprenant de constater un ras-le-bol, voire un cynisme, de la part de plusieurs citoyens.

Pourtant, la fréquence des élections n’en amenuise pas pour autant leur importance. Par exemple, le 1er novembre prochain, les électeurs de plus de 1100 municipalités du Québec auront l’opportunité de se choisir un nouveau conseil municipal. Aussi importants puissent être les pouvoirs fédéraux et provinciaux, c’est au sein des municipalités que se prennent les décisions ayant les impacts les plus directs sur la vie des citoyens. Il n’y a qu’à penser à l’aménagement et l’urbanisme, au développement économique local, aux logements sociaux, aux transports en commun et aux divers services essentiels tels que l’assainissement des eaux usées ou la récupération des matières résiduelles. Malgré cela, en 2005, ce n’est que 45% de la population qui s’est prémunie de son droit de vote. N’est-il pas paradoxal de constater que c’est à l’échelle municipale que sont susceptibles d’éclore les projets les plus innovants et progressistes, mais qu’en même temps ces élections sont les plus ignorées avec les élections scolaires?

Pourquoi ce je-m’en-foutisme? Le problème est multifactoriel : les jeunes adultes votent très peu comparativement à leurs aînés; les compétences municipales sont méconnues; les médias ne couvrent possiblement pas suffisamment les campagnes municipales. Tout cela est vrai. Mais par-dessus tout, la politique municipale rappelle une ancienne manière de faire de la politique où les guerres d’egos et le patronage primaient sur les intérêts des citoyens et sur les visions à long terme. Il me semble urgent de revaloriser la politique municipale et de dépasser cette perception folklorique. Cependant, il faut convaincre les citoyens que la vieille manière de faire la politique est révolue. L’est-elle? Le déficit démocratique dont plusieurs municipalités du Québec souffrent semble parfois indiquer que non. Trois-Rivières est l’une de ces municipalités.

Par déficit démocratique, il faut entendre la faible participation électorale, mais surtout l’absence de relève et d’opposition organisée. Est-il normal que des conseillers municipaux puissent siéger à leur poste pendant 10, 15, 20 ans? Que peuvent-ils bien «conseiller» de novateur après toutes ces années? Une municipalité doit préparer sa relève politique, c’est-à-dire qu’elle doit encourager la présence de candidats d’horizons divers, notamment des jeunes et des femmes. Autrement, elle condamne ses citoyens à un cynisme tout à fait compréhensible.

Il est en effet inquiétant qu’une ville de la taille de Trois-Rivières (9e en importance au Québec) soit incapable de trouver d’éventuels candidats à la mairie. Le maire Yves Lévesque et son conseil municipal font-ils tant l’unanimité? Sont-ils sans reproche? Laissez-moi en douter. D’ailleurs, plusieurs indices laissent croire qu’il existe bel et bien une opposition (la Coalition verte, la dissidence au projet de Trois-Rivières sur St-Laurent, la création de Force 3R). Alors, pourquoi ne s’organise-t-elle donc pas davantage? J’aimerais croire qu’elle manque tout simplement d’adhérents ou de financement. Or, je suis interpellé et inquiet par l’absence presque totale de débats d’idées à un moment où de nombreuses rumeurs de patronage et d’abus de pouvoir jettent une ombre sur l’hôtel de ville. La résurgence d’une forme de duplessisme à Trois-Rivières serait inacceptable, particulièrement si elle freine l’élan d’éventuels candidats aux divers postes de maire ou de conseillers.

J’estime qu’une campagne électorale devrait constituer un moment privilégié par des citoyens pour sortir de l’ombre et proposer leur vision d’avenir. Il ne reste plus qu’à souhaiter qu’un riche débat d’idées émerge d’ici le 1er novembre.


Publié au Nouvelliste le 9 septembre 2009