Publié au Nouvelliste le 4 janvier 2008
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Les banques sont les églises de notre temps. Les criminels financiers (Kenneth Lay, Jeffrey Skilling, Conrad Black, Vincent Lacroix) sont les bandits les plus redoutés de par le monde. La récession est presque aussi crainte que l’apocalypse. Peut-être faudrait-il se demander si l’obsession de l’argent et du profit n’est pas devenue trop omniprésente. J’entends d’ici les économistes libéraux me répondre qu’il faut justement être compétitif et productif; qu’il s’agit du seul moyen de suivre le rythme imposé par la mondialisation. C’est vrai…Mais faut-il à tout prix suivre ce rythme effréné? Quelles sont les autres alternatives?
Lors de la chute du bloc de l’Est au début des années quatre-vingt-dix, une discréditation générale des systèmes non capitalistes s’est imposée. Le bilan des atrocités commises par les systèmes dits socialistes ou communistes était désastreux, de Mao à Ceausescu, en passant par Pol Pot et Staline. Résultat : le communisme tel que pratiqué au siècle dernier est un échec sur toute la ligne. Est-ce à dire que le développement de la globalisation néolibérale démontre la supériorité du capitalisme sur tout autre système? Ce sont les conclusions – quelque peu hâtives – que de nombreux économistes tirent encore aujourd’hui.
Le drame de la chute du bloc de l’Est, ce n’est pas la perte du système communiste en tant que tel. Ce dernier n’avait jamais trouvé les moyens de véritablement éclore en trois quart de siècle. Au nom d’une utopie, il avait gardé serviles des centaines de millions d’êtres humains. Peu d’entre eux voudraient revenir en arrière aujourd’hui. Non, le véritable drame, c’est que par sa chute, le communisme laissait la voie libre à une seule doctrine économique. D’une manière anarchique, le libéralisme économique s’est alors propagé dans toutes les sphères de l’activité humaine, et ce au nom de la mondialisation des marchés. Il s’agit d’un retour à un capitalisme sauvage, à un anarcho-capitalisme pourrait-on dire. Rien ne nous empêche de chercher des solutions aux problèmes de notre temps. Certes. À condition de ne pas remettre le «génie» du capitalisme néolibéral en cause. C’est de cette manière, par exemple, que prend naissance le développement durable, un concept fourre-tout aussi indéfinissable qu’impraticable.
Dans le monde contemporain, force est de constater que le capitalisme néolibéral s’adapte très bien à notre société technicienne. À un point tel qu’il est presque devenu absurde de le questionner ou de vouloir faire les choses autrement. L’humanité fait pourtant preuve, encore une fois, d’une amnésie pathétique en oubliant la crise économique des années 1930. Cette dernière n’avait-elle pas démontré l’inertie et les limites du capitalisme sauvage?
Considérant les défis qui se posent à nous au XXIe siècle (SIDA, réchauffement climatique, problèmes démographiques) et considérant le fait que la croissance exigée par le capitalisme envenime inévitablement ces problèmes, il est encore plus absurde de ne pas réfléchir à une alternative. Pourquoi attendre une crise sociale, économique ou environnementale avant de combattre l’insouciance et l’amoralité de l’anarcho-capitalisme?
Un des slogans des manifestations de mai 68 était «l’imagination au pouvoir». Il appelait à la créativité, à l’ouverture et à l’invention. Plus que jamais, ce slogan demeure d’actualité. Plus que jamais, États, sociétés civiles et peuples doivent user de toute leur créativité pour remettre l’humain et son environnement (c’est là une toute nouvelle donne) au cœur des priorités du système économique.