Au devant de ces scénarios de crise que d’aucuns considèrent comme apocalyptiques se profile le symbole même de la surexploitation de notre planète : le pétrole. Depuis déjà quelques décennies, la planète dévoile ses limites, sa fragilité, voire sa vulnérabilité. La flambée des prix du pétrole et la pénurie prévue de cette ressource (à partir de 2040 selon les scénarios les plus réalistes) sont les symptômes les plus clairs de cette surexploitation des richesses de la Terre. Claude Picher écrivait dernièrement (La Presse, 26 avril) que l’ensemble des importations du Québec en pétrole brut avait subi une hausse de prix de 457% ces dix dernières années! Pourtant, on le sait, toute l’économie mondiale – et forcément québécoise – dépend de cette ressource. Dans cet ère de globalisation des marchés, les moyens de transport alimentés au pétrole ont une importance accrue, voire démesurée. Tout produit de consommation voyage des milliers de kilomètres avant d’être acheté. L’exemple le plus probant est celui des aliments qui, avant d’aboutir dans notre assiette, voyagent en moyenne entre 2600 et 4000 kilomètres.
Effectivement, cette hausse vertigineuse du prix du pétrole, accompagnée de la crise hypothécaire étasunienne, risque de faire chuter le monde capitaliste en pleine crise. Crise économique d’abord, mais humanitaire surtout. Déjà, la planète vit une crise alimentaire alarmante. Le prix de certains aliments connaît une croissance exponentielle. C’est le cas du prix du blé qui a crû de 181% en trois ans. Il y a quelques jours, le président de la Banque mondiale Robert Zoellick déclarait que le doublement des prix alimentaires ces trois dernières années risquait de plonger quelque cent millions de nouveaux individus dans la pauvreté. Comme résultat direct, trente-trois États dans le monde sont menacés de troubles politiques et de désordres sociaux liés directement à la pénurie d’aliments essentiels à la survie. C’est déjà le cas dans quelques-uns des pays les plus durement touchés dont Haïti, le Cameroun et la Côte d’Ivoire.
Pourtant, en 2000 étaient divulgués à l’Organisation des Nations Unies (ONU) les Objectifs du Millénaire qui visaient entre autres à réduire pour 2015 de moitié l’extrême-pauvreté dans le monde (le milliard de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour). À mi-chemin de l’échéancier, nous pouvons déjà faire le constat que cet objectif se destine à un échec cuisant, un échec pour toute l’humanité. Faut-il une crise humanitaire pour remettre en question les fondements de l’ordre (ou du désordre) économique actuel? Faut-il une crise humanitaire pour enfin percevoir le fossé qui s’élargit entre les mieux nantis et les plus défavorisés? Faut-il absolument une crise humanitaire pour que nous changions notre mode de vie et nos habitudes de consommation? Les prochaines années répondront à ces questions.
Publié au Nouvelliste le 29 avril 2008Publié au Devoir le 30 avril 2008
http://www.ledevoir.com/2008/04/30/187551.html