En histoire, des années sont souvent associées à des événements majeurs, à des crises, à des moments charnières. 1492, c’est la découverte de l’Amérique par Colomb. 1789, c’est la Révolution française. 1929, c’est le krach boursier de Wall Street. Que sera 2009? Malgré un manque flagrant de recul historique, tentons une réponse.
Deux grands sujets ont touché l’actualité mondiale en 2009. Premier sujet : la crise économique qui s’est poursuivie, obligeant une remise en question – encore bien timide – du système capitaliste. Pour l’instant, le vent de fraîcheur amené par la prise de pouvoir de Barack Obama aux États-Unis (janvier 2009) pourrait présager une sortie rapide de crise, sans bouleversements majeurs. Or, ces derniers mois, l’inaction avérée des gouvernements pour réglementer le capitalisme financier consacre plutôt l’enfoncement dans une crise plus longue et complexe que prévu.
Deuxième sujet : la grippe A (H1N1) qui s’est transformée en pandémie. Tous les gouvernements de la planète (particulièrement ceux du monde développé) s’en préoccupent. Quelles mesures préventives peut-on prendre? Comment préparer la population à une éventuelle propagation du virus? Doit-on généraliser la vaccination? Quelles que soient les réponses à ces questions, une paranoïa s’étend actuellement au monde entier, au grand bénéfice de riches compagnies pharmaceutiques (GlaxoSmithKline, Novartis, Baxter).
Si ces deux crises sont encore limitées, elles ont, à tout le moins, un impact monstre dans l’imaginaire de la population. En effet, en période de crise, les êtres humains ont tendance à faire preuve d’humilité plutôt que de se percevoir comme «tout-puissants». Et cette période que nous vivons pourrait bien consacrer la fin de l’anthropocentrisme.
L’anthropocentrisme est ce dogme qui place l’être humain au centre de l’univers. Ce dernier possèderait donc toute légitimité d’agir en hégémon, c’est-à-dire de contrôler, modifier ou adapter son environnement à sa guise. Non seulement une telle vision est périmée aujourd’hui, mais elle est devenue dangereuse pour la survie même de l’espèce humaine. Les avancées des sciences et des technosciences ne peuvent tout solutionner, des crises écologiques aux crises sociales. L’actualité nous en convainc. Ainsi, en adoptant une vision critique d’elle-même (par un décentrement), l’humanité doit maintenant réaliser sa vulnérabilité. En 2009, l’homo sapiens devient homo vulnerabilis. Et la vulnérabilité appelle la responsabilité.
Une humanité responsable serait tout aussi préoccupée par la pandémie de grippe (encore bénigne) que par la pandémie de sida (fort maligne). Elle serait conscientisée à des problèmes aussi divers que le réchauffement de la planète, l’accès à l’eau ou encore le sort des réfugiés politiques. Économiquement, elle réaliserait les aberrations d’une nouvelle forme de capitalisme qui, depuis quelques décennies, rappelle le capitalisme sauvage du XIXe siècle en exploitant et détruisant sans vergogne. Chaque individu devrait aussi jouer personnellement un rôle majeur. Par ses choix personnels de citoyen et de consommateur, il devrait participer à amenuiser cette surexploitation des ressources de la planète.
Si les événements de 2009 incitent l’humanité à prendre conscience de sa vulnérabilité, c’est qu’ils sont les prémisses de crises potentiellement beaucoup plus importantes. Pour les éviter, après le temps de la conscientisation, faisons maintenant place à l’action.
Publié au Devoir le 29 octobre 2009
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