Le 12 janvier dernier, un tremblement de terre de magnitude 7 à l’échelle de Richter a frappé Haïti. Non seulement il s’agit du plus gros séisme ayant touché le pays en deux siècles, mais il en a frappé le cœur, soit Port-au-Prince, la capitale de plus d’un million d’habitants. Les conséquences d’un tel événement sont immenses : décès par centaines, disparitions, désorganisation politique et désorganisation des secours, risques d’épidémies et de flambée de la violence. Pour Haïti, en plus des inégalités économiques énormes, des crises politiques importantes ainsi que des catastrophes naturelles des dernières années (juste à penser au cyclone Jeanne et aux inondations qui s’en suivirent dans les Gonaïves en septembre 2004), s’ajoute cette nouvelle crise d’une brutalité inouïe.
Évidemment, dans un tel contexte, plusieurs médias tirent avantage du drame par la réalisation de reportages sensationnalistes, tributaires d’un voyeurisme malsain et dégoutant. Mais plutôt que d’ajouter du cynisme au drame, attardons-nous à l’exceptionnel élan de générosité des gouvernements et des populations. En quelques heures seulement, les secours s’organisent et des campagnes majeures de levée de fonds se mettent en place. De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) comme Oxfam ou la Croix Rouge (sans oublier le travail du CECI) travaillent ardemment pour aider les Haïtiens à relever de ce nouveau choc. La tâche s’avère gargantuesque, mais la volonté politique et populaire semble au rendez-vous. Il n’y a qu’à penser à la sensibilité québécoise qui est particulièrement remarquable, compte tenu de la présence importante d’une communauté haïtienne en son sein (environ 130 000 habitants).
Un tel déploiement d’efforts rappelle celui qui a suivi le tsunami sur les côtes de l’Océan Indien le 26 décembre 2004. À ce moment 13,5 milliards de dollars avaient été amassés, soit l’équivalent de 7100 dollars par personne touchée par la catastrophe. Comment pourrait-on parler d’apathie populaire après cela? Des manifestations solidaires d’une ampleur aussi importante ne peuvent faire autrement que nous réconcilier avec les actions de nos gouvernements et de nos concitoyens.
A contrario, ces événements nous poussent toutefois à nous questionner sur la régularité de notre générosité. Faut-il une catastrophe pour faire réagir les plus fortunés? Depuis 1961, les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se sont fixés une cible pour l’aide internationale qui devrait atteindre 0,7% de leur produit intérieur brut (PIB). Or, le Canada est encore bien loin de l’atteinte de cet objectif avec environ 0,3% de son PIB qu’il consacre à cette aide. Il semble pourtant évident que si les dépenses de guerre en Afghanistan étaient consacrées à l’aide au développement, cette cible serait facilement atteinte. Mais cela est une autre question diront certains.
L’exemple haïtien offre une démonstration éloquente des importants moyens (humains, financiers et techniques) que la communauté internationale peut mettre en place en peu de temps. À travers ces circonstances tragiques, il est impératif de questionner l’absurdité de la situation : des stratégies pour réduire les inégalités existent, mais ne sont déployés que de manière ponctuelle, dans des circonstances extrêmes et tragiques. À partir des événements des derniers jours en Haïti, souhaitons que nous puissions passer d’une solidarité ponctuelle à une solidarité durable et organisée.
Publié au Devoir le 15 janvier 2010