Il y a quelques jours à peine était souligné le sixième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. De ces attaques du World Trade Center et du Pentagone, vous pouvez retenir le nombre de morts ou encore le caractère spectaculaire. Toutefois, d’une perspective historique, nine eleven représente beaucoup plus qu’un spectacle morbide. Il est un fait de civilisation, c’est-à-dire un tournant historique annonçant de sévères bouleversements idéologiques.
En effet, aujourd’hui, en raison du traumatisme causé d’une part par la médiatisation abusive de l’événement (surinformation et désinformation) et d’autre part par les politiques xénophobes des républicains au pouvoir aux États-Unis, la façon de concevoir la différence – de s’en méfier – s’est trouvée complètement transformée. Autrement dit, en Occident, c’est tout le rapport à l’autre qui est devenu symptomatique de ces quelques heures de tourmente (dans les questions d’immigration, de multiculturalisme, de relations internationales ou simplement dans les questions de sécurité).
Sur la scène internationale, on le sait, deux importantes guerres ont été déclenchées par nos voisins du sud selon ces principes ethnocentriques. Au lendemain du 11 septembre, les tenants de l’idéologie néo-conservatrice ont mis sur pied la fameuse Global War on Terror (GWOT). Selon cette approche géopolitique, le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme islamiste est de se lancer à son assaut. Comment? À l’aide de guerres dites préventives. C’est ainsi qu’ont eu lieu les épisodes afghan d’octobre 2001 et irakien de mars 2003. Épisodes toujours en cours, dois-je le préciser.
Officiellement, au départ, la guerre en Afghanistan avait pour missions de chasser les talibans du pouvoir et de capturer le chef d’Al-Qaïda Oussama Ben Laden. Et Pourtant! Aujourd’hui, les talibans continuent d’exercer un puissant contrôle – sinon politique, à tout le moins idéologique – au sud de l’Afghanistan (parlez-en à nos soldats canadiens sur place). Le barbu le plus célèbre du monde, quant à lui, semble aussi bien caché que le monstre du Loch Ness.
Pour nous, Canadiens, l’Afghanistan était l’occasion de participer à un effort de «démocratisation». Soyons lucides quelques instants! C’est le mouvement anti-guerre du début de l’année 2003 qui a poussé le gouvernement Chrétien de l’époque à refuser de s’investir en Irak. À ce moment, suivre les États-Unis dans leur action unilatérale aurait symbolisé rien de moins qu’un suicide politique pour bon nombre de gouvernements à travers le monde, dont le gouvernement libéral canadien. Victoire du mouvement pacifiste me direz-vous? Partielle seulement. Par ricochet, c’est ce même refus canadien de s’impliquer en Irak qui a mené nos soldats à jouer un rôle aussi stratégique en Afghanistan. D’où leur présence dans la région de Kandahar, soit la zone de loin la plus dangereuse du pays.
Six ans après le 11 septembre 2001, il ne fait aucun doute que la lutte mondiale au terrorisme s’avère être un échec sur toute la ligne! Les politiques militaristes des États-Unis et de leurs alliés n’ont mené à rien de moins qu’une exacerbation des tensions interethniques à travers le monde entier. La démocratie dans tout ça? Elle progresse, me direz-vous. En réalité, je ne connais aucun pays d’où la démocratie a germé des suites d’une invasion étrangère.
Aussi dévoués puissent être nos soldats canadiens, leur mission est vouée à un échec tant et aussi longtemps que la présumée «stabilisation» du pays sera priorisée au détriment du développement d’infrastructures scolaires ou communautaires. La coopération internationale présuppose que l’action étrangère ne vient qu’en appui aux initiatives locales. Ainsi, quitte à délaisser temporairement les régions trop hostiles, il est nécessaire de revoir l’entièreté des objectifs de notre présence au Moyen-Orient. La mission canadienne est vouée à un échec tant et aussi longtemps que les Afghans percevront nos soldats comme des envahisseurs.
Publié au Nouvelliste le 18 septembre 2007 sous le titre Un échec sur toute la ligne.