Le 14 octobre prochain, les citoyens canadiens se déplaceront aux urnes pour une élection fédérale pour une troisième fois depuis 2004. À ce moment-ci de la campagne, rien ne laisse présager un scénario autre que la réélection du gouvernement conservateur de Stephen Harper. Minoritaire? Majoritaire? Les paris sont lancés.
Cette campagne s’annonce sans aucune surprise de taille, sans réel bouleversement. Pourquoi? Parce que derrière des apparences trompeuses d’ouverture aux courants d’idées minoritaires (en raison d’un pluralisme des idées apparent, durant les débats des chefs notamment), le système électoral canadien ne permet d’aucune manière l’accès au pouvoir à un tiers parti. Jack Layton peut bien scander haut et fort qu’il veut être «notre prochain premier ministre», ses espoirs réels sont beaucoup plus modestes qu’il n’y paraît. Comme à chacune des élections fédérales depuis 1867, la véritable course se fait à deux.
Dans le coin droit, le gouvernement sortant. Un gouvernement conservateur qui, en plus de demeurer complètement insensible aux enjeux culturels et environnementaux, se ferme au monde extra-américain en matière économique. Ses priorités témoignent d’une vision du siècle dernier : exploitation pétrolière, interventionnisme militaire, renforcement de la répression et de la sécurité.
Dans l’autre coin droit, le Parti libéral qui se donne des airs progressistes (facile à faire dans le contexte actuel). Dans une campagne reposant principalement sur l’image, le manque de charisme de Stéphane Dion s’avère préoccupant, voire problématique, pour le Parti libéral. Toutefois, la désorganisation de ce parti, depuis que Dion est en poste s’avère plus troublant encore. Ce dernier cache mal son manque de vision derrière son plan vert. La déconfiture de son parti au Québec (depuis le scandale des commandites) le fait très mal paraître. C’est sans compter qu’il peut difficilement cacher les ambitions de ses collègues (les Ignatieff, Rae et Coderre) qui le regardent s’engouffrer tels des charognards regardant agoniser leur prochain repas.
Pourquoi une autre option n’est-elle pas possible aux Canadiens? En raison du déficit démocratique inhérent au mode de scrutin actuel! Aucune proportionnalité n’étant admise dans le système, les Canadiens votant selon leurs convictions idéologiques profondes seront pénalisées : le vote de plus de la moitié des électeurs ne sera donc pas pris en considération. Le vote stratégique, pragmatique – utile disent certains – sera récompensé. Ainsi, un supporter du Bloc québécois dans Outremont voterait pour Thomas Mulcair du Nouveau parti démocratique (NPD) s’il veut être stratégique; et parallèlement, un supporter du NPD dans Trois-Rivières voterait pour Paule Brunelle du Bloc québécois. Tout cela dans le but de freiner les Conservateurs et de les restreindre à leur statut de minoritaire.
D’être conscient de cette lacune du mode de scrutin est une chose, mais quand des citoyens mettent en branle le troc de votes par Internet (voir le site Pair Vote ou Troc de votes sur Facebook), voilà le véritable signe que le système électoral est malade. Déresponsabilisation de l’État oblige, les citoyens en sont-ils rendus à devoir transformer eux-mêmes, da manière artisanale, le mode de scrutin? L’adaptation d’une forme de scrutin datant de 1867 à la réalité du XXIe siècle est-elle si compliquée à faire? La réponse est non! Ce n’est qu’une question de volonté politique, cette même volonté qui manque de manière aussi flagrante au Québec, où le mode de scrutin est identiquement déficitaire. N’est-il pas temps de s’éveiller et de comprendre pourquoi règne tout ce cynisme ambiant dans le monde politique? Voici peut-être un élément de réponse.
Publié au Nouvelliste le 23 septembre 2008
http://www.cyberpresse.ca/le-nouvelliste/tribune-des-lecteurs/200809/23/01-22787-un-systeme-electoral-tres-malade.php
3 commentaires:
Bravo!
Une plume assez juste Daniel,
Je partage grandement cette sensibilité face au décalage entre progrès économiques, technologiques, etc.. et celui qui semble plutôt déficient en lieux démocratiques..
J'ajouterais qu'il en est de plus difficile de déterminer ce qui est pire: les causes, ou les conséquences de ce déficit..
Sans m'attarder sur ces derniers, puisqu'il ne s'agit ici que d'un modeste commentaire que j'imprimerais. Je crois que le lien entre le déficit dans notre pratique de la démocratie, face à l'idéal que nous avont tous pourtant, est bien sûrement un élément de réponse au cynisme dans la population.
La solution alors? Elle passe nécessairement selon moi par l'éducation à la citoyenneté. Que ce soit la formelle que l'on dispence à nos jeunes dans les écoles secondaires, et que l'on devrait en faire autant au collégial et à l'universitaire, ou de l'informelle qui demeure trop cloisoné au sein des groupes propres à son sujet, mais qui devra nécessairement tendre à rejoindre tout les autres citoyens que le scolaire ne rejoint pas ou plus.
Ainsi, un mode de scrutin plus fidèle à nos principes et à la hauteur de nos besoins finira bien par émerger peu à peu.
Jimmy
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