La réalité des gouvernements minoritaires est réapparue dans le paysage électoral canadien en 2004. Depuis, les Canadiens en ont élu trois de manière successive (libéral en 2004 et conservateur en 2006 et 2008). Et les derniers sondages indiquent qu’une telle situation pourrait se reproduire aux prochaines élections générales.
Jusqu’à présent, le mode de scrutin majoritaire à un tour tendait à exclure les tiers partis de la scène parlementaire canadienne. La réalité des gouvernements minoritaires change toutefois la donne et appelle la création possible de coalitions partisanes. Comme exemple, la crise politique de décembre 2008 a créé un semblant de coalition entre le Parti libéral du Canada (PLC) et le Nouveau parti démocratique (NPD). Il était toutefois déjà clair que cette alliance n’était ni totalement assumée ni totalement souhaitée. D’aucuns craignaient une crise de légitimité d’un tel gouvernement. D’ailleurs, Stephen Harper promet de faire de ce «danger de coalition» un thème central de la prochaine campagne électorale (La Presse, 27 août 2010). Qu’à cela ne tienne, les grands ténors libéraux et néo-démocrates devraient considérer sérieusement cette éventualité.
En effet, avant ses guerres intestines liées au scandale des commandites, le PLC, était presque indélogeable. En font foi les majorités obtenues à l’ère Chrétien (1993, 1997, 2000). Aujourd’hui, il ne lui est toutefois plus possible d’ignorer les résultats obtenus par le NPD et le Parti vert. Stratégiquement, l’option d’une coalition devient nécessaire. En outre, il faudrait même envisager Jack Layton comme chef. Ce dernier surclasse Michael Ignatieff quant à son expérience politique, à sa popularité et assurément à son charisme. Il serait le candidat tout désigné pour mener un groupe coalisé à défaire les conservateurs de Stephen Harper.
La place du Bloc québécois
Il est légitime de se demander quelle place occuperait le Bloc québécois (BQ) dans un tel scénario. De toute évidence, le parti de Gilles Duceppe peut difficilement envisager une alliance avec deux partis aussi centralisateurs que le PLC et le NPD. Les positions constitutionnelles du Bloc sont irréconciliables avec celles de ces deux partis fédéralistes. N’en demeure pas moins qu’en attendant que la souveraineté soit remise au goût du jour, les orientations sociales et environnementales de ces trois partis pourraient créer un intéressant métissage. Contrairement à ce que les conservateurs laissent entendre, il ne serait donc pas complètement farfelu que le BQ permette à une coalition PLC-NPD de prendre le pouvoir. Leur antagonisme commun face aux positions de la droite conservatrice canadienne suggère même qu’il pourrait s’agir du résultat le plus démocratique d’une prochaine élection.
Une réalité québécoise similaire
La distorsion du mode de scrutin crée parfois des anomalies gênantes. Au Québec, il n’y a qu’à penser aux élections majoritaires de l’Union nationale de Daniel Johnson (1966) et du Parti québécois de Lucien Bouchard (1998). Dans les deux cas, ceux-ci possédaient un pourcentage moindre de votes par rapport au Parti libéral du Québec (PLQ). Autre exemple : les libéraux de Jean Charest ont obtenu une minorité en chambre en 2007 et une faible majorité en 2008, et ce dans une conjoncture où le vote d’opposition est très important, mais très divisé. Les alliances partisanes deviennent alors pertinentes, d’où la nécessité de prendre en considération la voix des tiers partis. Pensons à l’étoile filante adéquiste (2007), à l’élection d’Amir Khadir comme député de Québec solidaire (QS) (2008) ou à l’importance croissante du Parti vert.
Dans sa stratégie électorale, le PQ ne peut maintenant plus négliger la division du vote souverainiste. Autrement, il est condamné à une longue et pénible opposition, voire à une éventuelle disparition. En effet, le parti de Pauline Marois voit son soutien s’effriter, tantôt dans l’autonomisme adéquiste, tantôt dans la gauche solidaire. Rappelons que le PQ est pourtant né de la fusion de plusieurs mouvances souverainistes en 1968. Son avenir dépend donc strictement de cette capacité que le parti et sa cheffe auront à se réconcilier avec ses déserteurs.
Sans parler de coalition formelle, il y aurait lieu de réfléchir à de possibles ententes de non-agression avec QS dans une dizaine de comtés où le vote souverainiste s’avère toujours dangereusement fractionné. QS s’engagerait à ne présenter aucun candidat dans une majorité de ces «comtés partagés». En retour, d’autres de ces comtés seraient réservés à leurs candidats vedettes, incluant Amir Khadir (déjà député de Mercier) et Françoise David.
Changement de culture politique
À défaut d’exprimer une volonté sincère d’améliorer le mode de scrutin, les partis politiques québécois et canadiens doivent accepter de faire différemment de la politique. Les coalitions ne sont pas souhaitables par tous, mais elles sont parfois nécessaires pour provoquer un changement d’ère politique. Plutôt que de mener inévitablement à la perte d’identité des partis, elles contribueraient à lutter contre la culture de l’affrontement, faisant place à celle de la négociation et à l’entente.
Publié à La Presse le 1er septembre 2010
2 commentaires:
Bonjour,
Bon texte, bonne analyse. Cependant, il est pour le moins erroné de prétendre encore que le NPD est un parti centralisateur. Le NPD vise la création de programmes sociaux nécessaires, tout en respectant le caractère national du Québec dans le cadre d'un fédéralisme asymétrique. Voir la Déclaration de Sherbrooke adoptée lors d'un congrès en 2006.
http://qc.npd.ca/sites/default/files/documents/DeclarationDeSherbrooke-FRA.pdf
merci
Merci pour le lien. Rapport très intéressant. Cela ne change cependant rien du propos concernant l'asymétrie entre les positions bloquistes et néo-démocrates concernant l'avenir du Québec.
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