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Professeur de sociologie et d'histoire.

mardi 5 avril 2011

Ma conception de l'engagement citoyen


Il y a deux ans, j’ai terminé un mémoire de maîtrise sur l’engagement citoyen (sociologie, Université Laval, 2009). Mon travail de recherche m’a mené à interroger des gens qui s’engageaient dans leur milieu. Certains le faisaient par le bénévolat avec des personnes défavorisées ou avec des immigrants. D’autres le faisaient par leurs implications écologistes ou syndicales. Enfin, une partie d’entre eux s’impliquaient en politique partisane. En faisant ce travail de maîtrise, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires qui défendaient – et défendent toujours – une vision d’un monde meilleur qu’il faut transformer à petite ou grande échelle.  D’un individu à l’autre, les points de vue n’étaient pas les mêmes. Mais dans tous les cas, on pouvait sentir ce réel désir de changer le monde. 

Commencer à s’engager

Après avoir terminé ce mémoire, je me permets de porter un regard critique (à bien des égards) sur le travail que j’ai fait. En réalité, je me rends bien compte que la première raison qui m’a poussé  à étudier l’engagement des autres, c’était sans doute pour réfléchir à mon propre engagement. Jusqu’au début de la vingtaine, je me suis très peu engagé dans ma communauté. Je le voulais, mais je ne le faisais pas, pour deux raisons principales. Par ignorance et par crainte.

Par ignorance parce que pour s’engager, il faut connaître les lieux d’engagement, il faut connaître des gens qui partagent nos valeurs, il faut connaître les gens qu’on peut aider ou les causes qu’on peut faire avancer. Par crainte aussi, car s’engager c’est se rendre vulnérable à la critique des autres, c’est risquer de se faire passer pour un imposteur ou simplement quelqu’un qui veut avoir une bonne conscience face aux malheurs des autres. Pour s’engager, il faut donc à la fois combattre cette ignorance et cette crainte.

Pour combattre l’ignorance, il faut s’informer sur ce qu’on veut défendre (lire, se renseigner, écouter les différents points de vue), il faut se bâtir une vision critique de la réalité qu’on perçoit, il faut se construire un réseau social composé de gens qui nous ressemblent et qui souhaitent aller dans le même sens que nous. Enfin, pour combattre les craintes (et cela est parfois plus difficile), il faut accepter sa vulnérabilité, car l’engagement représente bien plus que de donner de la monnaie à un passant ou donner à des œuvres de charité. C’est littéralement donner de soi pour une cause.

S’engager à la hauteur de ses capacités

L’engagement citoyen est paradoxal par son caractère à la fois personnel et communautaire. Personnellement, c’est le fait de se questionner au sujet des actions qu’on voudrait faire (la volonté) et des actions qu’on pourrait faire (le pouvoir). Les premières actions d’engagement seront souvent modestes. Mais plus l’engagement deviendra fréquent et intense, plus le réseau de contacts sera élargi, et plus le pouvoir d’action risque de s’accroître. Par le fait même, cette action initialement personnelle deviendra communautaire, car s’engager c’est aussi le fait d’accepter que tout engagement doit nécessairement se faire avec les autres et pour les autres.

Le danger de l’engagement citoyen, c’est d’essayer de le mesurer. Il faut éviter de comparer les heures d’engagement d’un individu à l’autre, de mesurer la force des convictions ou d’évaluer l’impact de chacune des actions posées. Rien de cela n’est possible ou souhaitable, car l’engagement citoyen est une action d’origine tellement personnelle que seule la personne elle-même peut en mesurer son degré de satisfaction. Par exemple, l’engagement citoyen d’une personnalité publique (Bono et la lutte contre le Sida; Lady Gaga et les droits des homosexuels) aura beaucoup plus de répercussions que l’engagement d’une personne anonyme. Et alors? Cela fait-il de la personnalité publique une personne plus altruiste, plus engagée?
Le danger de comparer l’engagement, d’un individu à l’autre, c’est justement de discréditer les actions anonymes, celles qui ne sont ni médiatisées, ni mises en valeur. Pourtant, ces actions, mises ensemble, ont une valeur aussi grande – sinon plus grande (mais il ne faut pas comparer) – que celles des célébrités.

Comment s’engager? En sortant de sa zone de confort

Nous pouvons, chacun, nous demander comment nous engager dans notre milieu. Évidemment, les réponses varieront d’un individu à l’autre. Mais dans tous les cas, l’engagement citoyen nécessite qu’on se sorte de notre zone de confort. L’engagement ne peut se faire de façon distancée, dans le «confort et l’indifférence». Il nécessite des efforts, il entraîne le développement de connaissances et de compétences. S’engager, peu importe la cause, c’est combattre le cynisme et l’apathie, tous deux tellement destructeurs. C’est croire en son modeste pouvoir de changer le monde.

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