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Professeur de sociologie et d'histoire.

mardi 18 juillet 2006

La meilleure époque?

Qu'on le veuille ou non, quand on a une formation en histoire, on cherche à évacuer tout anachronisme de nos analyses. En ce sens, il ne sert à rien de comparer des époques entre elles sans en connaître le contexte. On pourrait faire alors preuve non pas d'ethnocentrisme, mais de ce que j'appellerais un «temporallo-centrisme».

Tout de même, lire un peu sur l'histoire de notre espèce est suffisant pour se rendre compte que je vis dans un espace-temps des plus calme, des plus pacifique et même des plus libéral qu'il n'y a jamais eu. J'entends déjà le contre-argument - parce que c'est habituellement moi qui le formule - comme quoi c'est plutôt un conservatisme économiste qui a envahi la planète depuis les deux chocs pétroliers, et que cet économisme a des répercussions sociales menant à une fermeture culturelle et par une baisse de la tolérance à la différence dans le monde entier. Tout cela est vrai, mais relativisons!

Je suis né en 1980 au Québec. Le Québec, c'est cette province canadienne qui, disons-le, n'a pratiquement connu aucun épisode politique violent dans son histoire, hormis - et ce sont quand même d'important hormis - les conflits entre Européens et Amérindiens et les brefs événements qu'on pourrait classer dans un «patriotisme canadien-français» : d'abord les événements des Patriotes de 1837-1838, mouvement nationaliste et libéral; ensuite les événements d'octobre 1970, mouvement nationaliste et marxiste-léniniste. Outre cela, le Québec vit dans un calme absolu et, disons-le, dans une relative prospérité. Si je n'étais pas Occidental, je n'emploierais même pas le terme relative.

Le Québec, quand je le compare aux États-Unis ou à certaines régions du Canada anglais, est un endroit très ouvert aux nouvelles idées. Certes, nous sommes d'une dépendance économique effarante (envers nos voisins du Sud), mais d'un plan empirique, les écarts entre riches et pauvres (quoique s'aggrandissant) ne sont pas si mal (qu'est-ce que signifie pas si mal d'un point de vue statistique? Je ne voudrais pas entrer dans un tel débat quantitatif qui ne mènerait nulle part).

Alors voilà, je suis né à un endroit et à une époque riche. Qui plus est, mes parents viennent de la classe moyenne supérieure et je semble reproduire le même schème de vie. Si je pouvais me fermer sur le monde, si je pouvais ne pas voir les excès de la modernité, si je pouvais ne pas voir qu'il y a plus de malades mentaux dans les rues que dans les institutions dans une ville riche comme Montréal, si je pouvais ne pas savoir que je fais partie des 5% de plus privilégiés dans le monde, si je pouvais m'imaginer qu'il est possible de maintenir notre mode de vie et qu'il ne s'agit que d'attendre que les autres nous rejoignent (un peu comme l'économiste Jeffrey Sachs semble le penser), si je pouvais croire que le confort économique n'est pas lié à ce que j'appelle les «maladies de la modernité» comme le suicide ou les problèmes alimentaires (anorexie, boulimie), si je pouvais n'avoir aucune conscience politique ou environnementale et ne pas voir que nous détruisons notre habitat, si je pouvais... finir cette phrase autrement...

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