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Professeur de sociologie et d'histoire.

vendredi 7 juillet 2006

Un homme dans son cocon

Il serait ridicule de se sentir coupable de ne pas souffrir. Loin de moins l'intention de témoigner en ce sens. Mais si c'est vrai que la souffrance est nécessaire pour grandir, je suis encore bien petit.

Je me dis progressiste. Je crois en certaines valeurs humanistes. Je crois qu'il faille instaurer une meilleure répartition de la richesse sur cette planète, même si cela va nécessairement faire diminuer notre niveau de vie dans cet Occident qui vit au-dessus de ses moyens depuis au moins un demi-siècle. Mais tout cela n'est que cliché! Qui est en faveur de la pauvreté? Qui veut volontairement polluer son environnement? Qui veut volontairement faire souffrir ses proches? Personne de mentalement sain.

Alors qu'est-ce qu'être véritablement progressiste? Selon moi, être progressiste, c'est en partie être capable de parler de nos idéaux en les ayant nous-mêmes vécus. Qui, au Québec, peut véritablement parler de ce qu'est l'extrême pauvreté? Il semble tellement facile de se préoccuper des «pauvres» quand ceux-ci sont une notion abstraite inatteignable. Je ne connaîtrai aucun «pauvre» du Niger tant que je n'y mettrai pas les pieds.

Ainsi, j'ai l'impression qu'un réel progressiste, au Québec, est quelqu'un de sensibilisé aux situations extrêmes d'Afrique ou d'Amérique latine, mais surtout, c'est quelqu'un qui agit auprès de ceux et celles dans le besoin dans son propre environnement. C'est l'élément qu'on oublie souvent. À Trois-Rivières, un organisme communautaire comme COMSEP est progressiste , du peu que je connais de cet organisme, en agissant auprès des Trifluviens dans le besoin.

Revenons à mon cas. Un homme dans son cocon, c'est moi ça. Je ne me sentirai certainement pas coupable d'avoir grandi au sein d'une famille aisée, d'une famille avec de superbes valeurs. Je ne me sentirai pas coupable non plus de ne pas avoir vécu de grosses épreuves dans ma vie. Même la mort n'a encore jamais touché aucun de mes proches. Ça viendra, je le sais. Ce que je ne sais pas, c'est comment je réagirai à ce moment, n'ayant aucun antécédant de la sorte. Mais bon, c'est mon vécu et les hasards de la vie m'ont fait grandir dans ce cocon, dans cette surprotection involontaire. En fait, je n'ai à me sentir coupable de rien. J'ai eu une belle vie. Elle n'est pas finie et risque de continuer de la sorte je le sais bien et je me dois d'en faire profiter ceux qui n'ont pas cette même chance.

J'ai bien aimé l'idée derrière le film Pay it Forward. Cependant, la raison pour laquelle les gens n'agissent pas en «payant au suivant» la plupart du temps, c'est qu'ils ne s'arrêtent pas eux-mêmes pour réaliser que quelqu'un - consciemment ou non - a payé au suivant à son égard au préalable. Quelqu'un comme moi, qui a tout eu dans sa vie, est souvent porté à regarder ce qui lui manque encore plutôt que d'apprécier ce qu'il a. Quelqu'un comme moi peut même en venir à croire qu'on «lui doit quelque chose». Il tombe alors dans une attitude de retrait face à la différence, dans une attitude anti-progressiste (je n'emploierais pas le terme conservateur dans ce cas).

Je le disais dans ce même blog plus tôt cette semaine, être progressiste est exigeant. Cela demande beaucoup de travail. Dans mon cas, cela me demande pas nécessairement de souffrir, mais au moins de comprendre la souffrance. Ainsi, si je me préoccupe vraiment de la pauvreté dans les pays en voie de développement, pourquoi n'irais-je pas moi-même, visiter des autochtones - dans le sens «gens de la place» - (après avoir appris leur langue) en me souciant vraiment de ce qu'ils me disent?

Une étudiante que j'ai rencontré au collège cette année et que j'ai rencontré dans un bar de Trois-Rivières hier m'a fait (sans le vouloir) réfléchir. Elle revient du Guatemala où elle est allée «agir». Elle est allée vivre avec des Guatémaltèque. À partir d'aujourd'hui, elle peut vraiment dire qu'elle sait ce qu'est la pauvreté en Amérique latine. J'ai beau avoir un bagage théorique qu'elle n'a pas, elle a vécu la pauvreté, et ce même si elle provient d'un milieu aussi aisé que le mien. C'est cela être progressiste.

Être progressiste, selon la définition que j'en donne, n'est pas donné à tous. Ça nécessite d'abord une sensibilisation (c'est mon rôle en tant que prof d'agir auprès des jeunes de 17-20 ans sur cet aspect), et ensuite une action ici ou ailleurs (dépendant des causes qui nous tiennent à coeur). Cela va également au-delà de notre profession. Il faut que ce soit une attitude de recherche, d'ouverture à l'autre, d'ouverture à la connaissance, etc.

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