Une autre campagne électorale est en cours. Tout comme celle de 2003, les mêmes thèmes refont surface : santé, éducation, baisses d’impôt, paiement de la dette, environnement, etc. Les partisans campent leurs positions respectives sur le programme de leur parti. Ils le font d’une manière dogmatique, comme si l’élection de leurs représentants allait modifier le cours de l’histoire du Québec. Simple idéalisation partisane ou exagération de la réalité?
En fait, ces partisans n’ont pas toujours tort de penser que l’élection d’un nouveau parti peut représenter un renouveau idéologique pour une société. Deux exemples : les élections du PLQ et de «l’équipe du tonnerre» de Jean Lesage en 1960 et du PQ de René Lévesque en 1976 qui ont toutes deux accéléré la modernisation du Québec.
Pourtant, chaque fois qu’une campagne électorale s’entame – qu’elle soit fédérale ou provinciale – les mêmes discours désillusionnés et cyniques refont surface. «Blanc bonnet, bonnet blanc» disent certains. D’autres arguent que les vrais partis susceptibles de modifier le cours des choses sont, et restent toujours, dans l’opposition. Mais à force de répéter haut et fort que nous vivons en démocratie, nous en venons à oublier que la démocratie est un projet perpétuellement inachevée. Certains (et je suis de ceux-là) diraient même qu’il s’agit d’une utopie dont on s’éloigne plutôt qu’on ne s’approche depuis quelques années. Et les discours cyniques ne peuvent qu’aggraver les choses.
Parmi les raisons qui nous font croire que la politique n’est plus qu’au service de l’Ordre marchand, il y a les travers des systèmes bipartites comme aux États-Unis, le poids de plus en plus important des lobbies et groupes de pression dans la prise de décisions de nos gouvernants ainsi que l’ouverture des marchés à la globalisation entraînant des pertes d’emplois et une baisse des conditions de travail. Lentement mais sûrement, l’idéologie néolibérale élimine, privatise et sous-traite dans un objectif d’efficience, de profit et de croissance. C’est «l’éloge de la richesse» et les gouvernements autant que les mouvements sociaux ne peuvent rien y changer. C’est, du moins, la vision pessimiste.
Pourtant, depuis cinq ou dix années, l’environnement est passé d’un sujet d’écolos et d’intellos à une préoccupation populaire. «L’ex-futur» président des États-Unis Al Gore mène une énorme campagne de sensibilisation pour contrer le réchauffement climatique. Des États et des municipalités américains ont pris des mesures radicales pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Au Canada, le gouvernement minoritaire de Stephen Harper s’est vu dans l’obligation de «verdir» son programme devant les revendications des partis d’opposition et des mouvements sociaux. Stéphane Dion a même réussi l’exploit de devenir chef du Parti libéral du Canada en cachant son manque de charisme (et de leadership diraient les conservateurs) derrière ses pancartes vertes. Chez les jeunes Québécois, l’environnement est devenu un sujet aussi important que l’éducation ou la santé. En ce sens, tous les partis doivent adapter leurs plate-formes électorales aux besoins de la population. Et ils le font!
Pourquoi aller voter si les partis politiques ont si peu de pouvoirs réels? Pour empêcher qu’on ne s’éveille un jour en se rendant compte que la démocratie est devenue qu’une supercherie, qu’une manipulation sémantique de l’esprit. La démocratie, ce n’est pas de léguer toutes nos responsabilités entre les mains de quelques élus. Les citoyens ont des droits, mais ils ont aussi des responsabilités comme celle de s’informer au-delà des quelques clips publicitaires et des reportages de 30 secondes de nos téléjournaux. Irez-vous consulter les programmes des cinq partis provinciaux sur Internet? Connaîtrez-vous les conséquences de votre choix le 26 mars prochain?
Albert Einstein disait que «le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent agir et refusent d’intervenir». Le simple fait de voter est bien insuffisant me direz-vous, mais c’est tout de même le premier geste symbolique de l’engagement citoyen.
Ce blogue a pour objectif de présenter des textes d'opinion ou divers travaux en sciences sociales que je produis.
mercredi 28 février 2007
Objectif décroissance
Voici un texte publié au Nouvelliste au début décembre
Ne l’entend-on pas souvent? Il faut à tout prix contribuer à la croissance de notre région, de notre province, de notre pays. D’accord! Comment pourrait-on être contre ces belles intentions? Cependant, nous arrive-t-il de nous questionner à savoir ce qui se cache derrière cette notion de croissance?
À l’époque de la Guerre froide, il était facile de prendre parti. Le monde était divisé en deux. Au sens pragmatique du terme, c’est vrai, le meilleur système l’a emporté. Croyez-moi, la compétitivité, l’ouverture des marchés, la recherche de l’intérêt personnel et même la croyance mythique en la main invisible ne me font aucunement regretter le système soviétique. Par ses mécanismes de régulation interne, le capitalisme pousse tout individu à rechercher la productivité (dans son travail d’abord, mais dans sa vie personnelle ensuite). Le capitalisme ne peut survivre qu’en état de perpétuelle croissance, d’où cette nécessité de vouloir innover, de vouloir se dépasser, de vouloir être «compétitif» au plan individuel autant qu’au plan collectif. En ce sens, il est un système économique tout simplement formidable.
Mais un système économique, aussi formidable puisse-t-il être, a ses failles et ses lacunes, et ne doit jamais être érigé au rang de dogme. Ne connaît-on pas, au moins depuis Marx, l’amoralité, l’asocialité et l’inhumanité du capitalisme? Je me questionne, car depuis la chute du mur de Berlin, l’humanité semble se résigner au fait qu’il n’y a qu’une vérité, qu’un bon système : le capitalisme, version néolibérale. Elle est là l’erreur qui pourrait causer notre perte.
Tant et aussi longtemps que la croissance économique servait les intérêts de l’humanité, il était possible de voiler les déficiences du capitalisme en prétextant qu’un jour ou l’autre tous allaient profiter des retombées positives du «progrès». Or, ce dont il faut prendre conscience dorénavant, c’est que croissance économique rime avec une destruction effrénée des ressources naturelles, avec la modification irréversible du climat de la planète et, bien sûr, avec la fragilisation de la vie sous toutes ses formes (même humaine).
Mon discours n’est pas écologiste. Au contraire, il est très anthropocentrique. Peu importe, ce que nous ferons de notre planète ces prochaines décennies, je suis convaincu qu’une forme de vie quelconque saura bien se perpétuer. Ce n’est ni le sort des poissons, ni le sort des phoques qui me préoccupent. Ce qui m’interpelle, c’est le sort de l’espèce humaine. Au nom de principes économiques, au nom du dieu de la croissance, l’humanité détruit les conditions mêmes de sa survie.
Parlez de développement durable si vous le voulez, parlez de Kyoto. Ce sont des premiers pas (bien insuffisants) que même nos gouvernements ne sont pas prêts à franchir. L’avenir de l’humanité ne passe pas par un «développement» durable, mais bien par une «décroissance» contrôlée. Mon discours est tout à fait illogique, irrationnel, voire illusoire selon un paradigme économiste. Cependant, l’humanité a franchi la limite de la logique et du raisonnable depuis longtemps. C’est le paradigme de la morale et de l’éthique qui devrait maintenant conditionner nos actions, sans quoi cette décroissance sera soudaine et définitive. Concrètement, en Occident, une décroissance devrait prendre la forme d’une élimination de toute surconsommation. J’irais même plus loin en avançant que même la publicité pernicieuse encourageant la surconsommation devrait être abolie. Vous voulez des suggestions : conserver son automobile quinze années au lieu de quatre, allonger la durée de vie des objets qu’on achète et cesser de suivre les «tendances» (une télévision neuve, une voiture neuve, un réfrigérateur neuf), utiliser le transport en commun, réduire significativement le montant dépensé pour les cadeaux de Noël (pourquoi pas?!).
Dans les années soixante, on rêvait du XXIe siècle comme d’une société du loisir qui privilégierait les relations humaines. Y sommes-nous parvenus? Non. On travaille plus qu’avant pour répondre aux besoins artificiels de notre mode de vie ainsi que pour pouvoir payer les dettes que créent ces besoins. Ensuite, on se fait dire par M. Lucide Bouchard qu’on ne travaille pas assez, qu’on n’est pas suffisamment compétitif. Et on oublie que ce désir d’augmentation de la productivité répond à une logique capitaliste qui ne se soucie guère de l’éboulement que la montée vers le sommet provoque. Pour paraphraser les Cowboys Fringants : on vit dans un «univers où le verbe avoir a pris le dessus sur le verbe être, où tous les gens se font accroire que la possession est la seule quête». Achèterez-vous autant de cadeaux à Noël?
Ne l’entend-on pas souvent? Il faut à tout prix contribuer à la croissance de notre région, de notre province, de notre pays. D’accord! Comment pourrait-on être contre ces belles intentions? Cependant, nous arrive-t-il de nous questionner à savoir ce qui se cache derrière cette notion de croissance?
À l’époque de la Guerre froide, il était facile de prendre parti. Le monde était divisé en deux. Au sens pragmatique du terme, c’est vrai, le meilleur système l’a emporté. Croyez-moi, la compétitivité, l’ouverture des marchés, la recherche de l’intérêt personnel et même la croyance mythique en la main invisible ne me font aucunement regretter le système soviétique. Par ses mécanismes de régulation interne, le capitalisme pousse tout individu à rechercher la productivité (dans son travail d’abord, mais dans sa vie personnelle ensuite). Le capitalisme ne peut survivre qu’en état de perpétuelle croissance, d’où cette nécessité de vouloir innover, de vouloir se dépasser, de vouloir être «compétitif» au plan individuel autant qu’au plan collectif. En ce sens, il est un système économique tout simplement formidable.
Mais un système économique, aussi formidable puisse-t-il être, a ses failles et ses lacunes, et ne doit jamais être érigé au rang de dogme. Ne connaît-on pas, au moins depuis Marx, l’amoralité, l’asocialité et l’inhumanité du capitalisme? Je me questionne, car depuis la chute du mur de Berlin, l’humanité semble se résigner au fait qu’il n’y a qu’une vérité, qu’un bon système : le capitalisme, version néolibérale. Elle est là l’erreur qui pourrait causer notre perte.
Tant et aussi longtemps que la croissance économique servait les intérêts de l’humanité, il était possible de voiler les déficiences du capitalisme en prétextant qu’un jour ou l’autre tous allaient profiter des retombées positives du «progrès». Or, ce dont il faut prendre conscience dorénavant, c’est que croissance économique rime avec une destruction effrénée des ressources naturelles, avec la modification irréversible du climat de la planète et, bien sûr, avec la fragilisation de la vie sous toutes ses formes (même humaine).
Mon discours n’est pas écologiste. Au contraire, il est très anthropocentrique. Peu importe, ce que nous ferons de notre planète ces prochaines décennies, je suis convaincu qu’une forme de vie quelconque saura bien se perpétuer. Ce n’est ni le sort des poissons, ni le sort des phoques qui me préoccupent. Ce qui m’interpelle, c’est le sort de l’espèce humaine. Au nom de principes économiques, au nom du dieu de la croissance, l’humanité détruit les conditions mêmes de sa survie.
Parlez de développement durable si vous le voulez, parlez de Kyoto. Ce sont des premiers pas (bien insuffisants) que même nos gouvernements ne sont pas prêts à franchir. L’avenir de l’humanité ne passe pas par un «développement» durable, mais bien par une «décroissance» contrôlée. Mon discours est tout à fait illogique, irrationnel, voire illusoire selon un paradigme économiste. Cependant, l’humanité a franchi la limite de la logique et du raisonnable depuis longtemps. C’est le paradigme de la morale et de l’éthique qui devrait maintenant conditionner nos actions, sans quoi cette décroissance sera soudaine et définitive. Concrètement, en Occident, une décroissance devrait prendre la forme d’une élimination de toute surconsommation. J’irais même plus loin en avançant que même la publicité pernicieuse encourageant la surconsommation devrait être abolie. Vous voulez des suggestions : conserver son automobile quinze années au lieu de quatre, allonger la durée de vie des objets qu’on achète et cesser de suivre les «tendances» (une télévision neuve, une voiture neuve, un réfrigérateur neuf), utiliser le transport en commun, réduire significativement le montant dépensé pour les cadeaux de Noël (pourquoi pas?!).
Dans les années soixante, on rêvait du XXIe siècle comme d’une société du loisir qui privilégierait les relations humaines. Y sommes-nous parvenus? Non. On travaille plus qu’avant pour répondre aux besoins artificiels de notre mode de vie ainsi que pour pouvoir payer les dettes que créent ces besoins. Ensuite, on se fait dire par M. Lucide Bouchard qu’on ne travaille pas assez, qu’on n’est pas suffisamment compétitif. Et on oublie que ce désir d’augmentation de la productivité répond à une logique capitaliste qui ne se soucie guère de l’éboulement que la montée vers le sommet provoque. Pour paraphraser les Cowboys Fringants : on vit dans un «univers où le verbe avoir a pris le dessus sur le verbe être, où tous les gens se font accroire que la possession est la seule quête». Achèterez-vous autant de cadeaux à Noël?
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