Qui suis-je

Ma photo
Professeur de sociologie et d'histoire.

vendredi 4 juin 2010

La contre-Révolution tranquille

Le Québec fêtera ce mois-ci le cinquantième anniversaire de sa Révolution tranquille. Le 22 juin 1960, le Parti libéral du Québec (PLQ) prenait le pouvoir après un règne de 16 années de l’Union nationale (1944-1960). Un ancien ministre libéral fédéral, Jean Lesage, devenait alors le 19e premier ministre de l’histoire du Québec, propulsé par son «Équipe du tonnerre» dont l’intention était de rompre avec la période duplessiste.


Si le terme «révolution» est sans doute exagéré pour référer à cette période, il n’y a cependant aucun doute sur son caractère charnière dans l’histoire du Québec. La marque que certains ministres ont laissée sur le Québec moderne est indélébile. Pensons à René Lévesque et son projet de nationalisation de l’électricité, à Paul Gérin-Lajoie et sa réforme de l’éducation, à Georges-Émile Lapalme et son désir de faire rayonner la culture québécoise sur la scène internationale.

Un demi-siècle plus tard, il est lieu de questionner l’héritage fragile de cette révolution. Depuis la fin des années 1990, force est de constater que la société québécoise semble parfois renier – partiellement du moins – les idéaux démocratiques au cœur des réformes sociales des années 1960. En ce sens, rappelons-nous les mesures austères liées à l’atteinte du déficit zéro à partir de 1996. Notons également qu’encore aujourd’hui, les prêtres du libre-marché poursuivent leurs stratégies de conversion de nouveaux fidèles par des «discours lucides» hypermédiatisés.

Parmi les convertis se trouvent assurément plusieurs ministres du Québec. Le gouvernement de Jean Charest s’en prend depuis sept ans au filet social québécois. Plutôt que de présenter des moyens de réduire les inégalités sociales, les derniers budgets québécois proposent une série interminable de mesures régressives. Des services sociaux tels l’éducation et la santé deviennent graduellement des biens marchands. De plus, devant l’inaction gouvernementale dans le contexte de crise des institutions (les enjeux éthiques et la crise de la construction), toute la classe politique se trouve discréditée, contribuant à l’augmentation du cynisme et de l’apathie des citoyens. Avec un tel type de gouvernance, difficile par la suite de défendre la place accrue de l’État dans la société.

Par ailleurs, cette montée d’un conservatisme est protéiforme. Elle ne touche pas seulement les institutions politiques. Au cœur de cette problématique se trouve la crise des accommodements culturels ainsi que la résurgence de débats moraux qu’on croyait réglés depuis longtemps (pensons à l’avortement et aux propos récents du Cardinal Ouellet).

La «Révolution conservatrice» (tranquille, subtile, voire sournoise) que le Québec vit depuis une dizaine d’années risque d’hypothéquer de nombreux acquis sociaux. Il est urgent de réagir avant qu’elle ne laisse des séquelles permanentes sur la société québécoise. Des mouvements sociaux incontournables (et indispensables) doivent s’actualiser. Le mouvement syndical – parfois trop corporatiste – devra traverser les scandales récents et chercher sa crédibilité dans une mondialisation de la défense des travailleurs. Le mouvement féministe devra davantage conscientiser les jeunes femmes sur le chemin parcouru au XXe siècle afin de se mettre au diapason des défis féministes actuels, au Québec comme ailleurs dans le monde. Le mouvement écologiste devra se politiser davantage et s’incruster dans les lieux de pouvoir.

Le cinquantième anniversaire de la prise de pouvoir de Lesage est l’occasion de dresser un bilan. Des options progressistes existent toujours au Québec. Comme c’était le cas en 1960, il est temps de leur laisser la place.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

super ..