Aux premières heures de la Révolution industrielle, les indicateurs de temps traditionnels (le soleil et le clocher de l’église paroissiale) étaient bien insuffisants. Le temps, c’est de l’argent! Il fallait donc commencer à rythmer la vie des travailleurs au tic-tac des horloges. Pour les entrepreneurs, il importait d’abord d’être efficient, c’est-à-dire de réaliser un objectif avec le minimum de moyens engagés. Chaque seconde devenait précieuse. Conséquemment, pour les travailleurs, la ponctualité et la bonne gestion du temps n’étaient plus seulement des qualités, elles devenaient des pré-requis à l’emploi et des conditions à l’inclusion sociale.
Cette obsession de l’horloge nous conditionne plus que jamais aujourd’hui. En faire le plus possible en le moins de temps possible! Pour qu’ils se développent «intégralement», des enfants de 5 ans ont des horaires de PDG de compagnies. On cherche à concilier travail-famille en ne compromettant ni un ni l’autre. Les parents hyperactifs organisent donc leur quotidien à la lumière du credo de l’efficience, tout imprévu devenant source de stress. Même les loisirs, vacances et temps libres sont mieux gérés que ne le ferait un planificateur d’événements. Quant à la vieillesse, elle est perçue comme un signe de péremption et d’incapacité. Elle est donc repoussée, cachée, botoxée ou tout simplement niée.
Ce portrait oblige la prise de conscience des liens intrinsèques entre un tel mode de vie et d’importantes problématiques sociales (épuisement professionnel, âgisme, hyperactivité chez les enfants, surmédicamentation). Contrairement à ce qu’annonçaient certains intellectuels des années 1960 et 1970 à propos d’une société des loisirs à venir, la vie quotidienne des années 2000 s’est accélérée, devenant de plus en plus stressante.
Le mouvement slow
Trouver une alternative à cette société rapide, c’est ce qu’a fait Carlo Petrini à la fin des années 1980 en fondant le mouvement slow food. Il réagissait alors à l’émergence du fast-food en Italie. Initialement, l’objectif était de préserver les spécificités régionales en alimentation en s’opposant à la standardisation des goûts qu’offrent les grandes chaînes de restauration rapide. Mais en prenant exemple sur l’alimentation, le slow food critique également la spirale infernale de la performance et de la rapidité dans laquelle nous sommes plongés. Il souhaite revaloriser la qualité et le plaisir au détriment de la quantité et de l’efficience.
Cette philosophie s’étend maintenant au-delà de l’alimentation. Città Slow (créé en 1999) est un réseau mondial de villes qui s’engagent à ralentir la vie de ses citoyens. Slow Money est un mouvement récemment créé aux États-Unis afin de ralentir les flux de capitaux pour investir plutôt à l’échelle locale. Le Slow Media (ou slow TV comme le dit Stéphan Bureau au Québec) renvoie à ce désir d’approfondir des contenus plutôt que d’ingérer de façon boulimique des tonnes d’informations. Le Slow Travel partage les valeurs de l’écotourisme. Il favorise les voyages à faible coût et les interactions avec les populations locales plutôt les voyages à l’aide d’une liste-à-cocher des «choses à ne pas manquer». La Slow Life, elle, renvoie aux valeurs partagées par les défenseurs de la décroissance et de la simplicité volontaire, c’est-à-dire une vie où sa consommation et son impact sur l’environnement sont réduits au maximum.
Bien qu’il soit peu probable que chacun transforme radicalement son mode de vie et adhère pleinement aux valeurs du mouvement slow, il s’avère essentiel de s’en inspirer. Prendre le temps pour mieux éduquer, pour mieux soigner, pour mieux soutenir les laissés-pour-compte de ce système «trop» efficient et pas assez humain. D’ailleurs, il s’agit assurément d’un modèle à placer au cœur de nos politiques publiques.
Publié dans Le Devoir du 20 juillet 2010
1 commentaire:
Réflexion intéressante!
Publier un commentaire