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Professeur de sociologie et d'histoire.

samedi 15 juin 2013

La Turquie s'agite


Le 28 mai dernier s’amorçait un mouvement de protestations en Turquie. Initialement, il s’agissait d’écologistes s’opposant à la destruction du parc Taksim Gezi, un espace vert en plein cœur d’Istanbul. Mais quelques semaines après le début de l’agitation, le mouvement dépasse la place Taksim. Il se matérialise au-delà de la mégapole et au-delà de la réalité des écologistes. Plus de 600 000 personnes auraient participé au mouvement, et ce dans plus de 90 villes de la Turquie.

Pourquoi une telle contestation?
Les manifestations qui touchent le pays sont liées à l’exacerbation des positions anti-gouvernementales. Bien que le premier ministre Recep Tayyip Erdogan qualifie les manifestants d’«anti-démocratiques», c’est plutôt le régime turc qui a vécu d’importants égarements démocratiques depuis une décennie. Reporters sans frontières qualifie même la Turquie de «première prison du monde pour les journalistes». D’ailleurs, depuis le début des manifestations, la dérive autoritaire du gouvernement a de quoi inquiéter, contribuant à envenimer les tensions.
Classement mondial de la liberté de presse, selon Reporters sans frontières (http://fr.rsf.org/)
Pays
Classement 2003
Classement 2008
Classement 2013
Finlande
1
4
1
Canada
10
13
20
États-Unis
31
36
32
Turquie
115
102
154
Chine
161
167
173

Les défis de la Turquie
La Turquie évoque la rencontre de l’Europe et de l’Asie, l’émergence d’une puissance économique, le choc entre modernité et tradition. D’où la pléthore de défis auxquels le gouvernement est confronté. En voici trois :
1.     La place de la religion dans l’État laïc. À noter que 96% des Turcs sont de confession musulmane. Le gouvernement en place depuis 2002 est d’ailleurs un parti islamiste de centre-droit. Cependant, la Turquie, c’est aussi l’héritage laïc de l’ancien président Mustafa Kemal Atatürk. Cela explique certaines tensions entre religieux et laïcs quant au port du voile ou au rôle des femmes par exemple.

2.     La place des minorités. Le gouvernement turc continue de nier l’extermination des deux tiers du peuple arménien sur son territoire en 1915-1916. Ce négationnisme turc inquiète, d’autant plus que des défis nationaux sont toujours d’actualité. Aujourd’hui, c’est  la minorité kurde (12 à 17 millions de personnes) qui revendique son indépendance par le biais du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Plusieurs des accrocs aux libertés de la presse, notamment l’enfermement de journalistes, sont liés à une répression de l’État envers des sympathisants des Kurdes.

3.     La proximité avec le monde arabo-musulman. L’ONU estime que plus de 260 000 réfugiés syriens se trouvent au pays en raison de l’instabilité politique du régime de Bachar el-Assad. D’ailleurs, les tensions entre les régimes turc et syrien persistent. La Turquie offrirait un soutien technique et militaire aux rebelles syriens. Quant à la position turque face à Israël, elle est mitigée, passant de la condamnation (lors des événements de la flottille pour Gaza en 2010) à la réconciliation (au printemps 2013, permettant les raids israéliens sur la Syrie).

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