Le 28 mai dernier s’amorçait un mouvement
de protestations en Turquie. Initialement, il s’agissait d’écologistes
s’opposant à la destruction du parc Taksim Gezi, un espace vert en plein cœur
d’Istanbul. Mais quelques semaines après le début de l’agitation, le mouvement
dépasse la place Taksim. Il se matérialise au-delà de la mégapole et au-delà de
la réalité des écologistes. Plus de 600 000 personnes auraient participé
au mouvement, et ce dans plus de 90 villes de la Turquie.
Pourquoi
une telle contestation?
Les manifestations qui touchent le pays
sont liées à l’exacerbation des positions anti-gouvernementales. Bien que le
premier ministre Recep Tayyip Erdogan qualifie les manifestants
d’«anti-démocratiques», c’est plutôt le régime turc qui a vécu d’importants égarements
démocratiques depuis une décennie. Reporters sans frontières qualifie même la
Turquie de «première prison du monde pour les journalistes». D’ailleurs, depuis
le début des manifestations, la dérive autoritaire du gouvernement a de quoi
inquiéter, contribuant à envenimer les tensions.
Classement mondial de la liberté de presse, selon
Reporters sans frontières (http://fr.rsf.org/)
Pays
|
Classement 2003
|
Classement 2008
|
Classement 2013
|
Finlande
|
1
|
4
|
1
|
Canada
|
10
|
13
|
20
|
États-Unis
|
31
|
36
|
32
|
Turquie
|
115
|
102
|
154
|
Chine
|
161
|
167
|
173
|
Les
défis de la Turquie
La Turquie évoque la rencontre de l’Europe
et de l’Asie, l’émergence d’une puissance économique, le choc entre modernité
et tradition. D’où la pléthore de défis auxquels le gouvernement est confronté.
En voici trois :
1.
La place de la religion dans l’État
laïc. À noter que 96% des Turcs sont de confession musulmane. Le gouvernement
en place depuis 2002 est d’ailleurs un parti islamiste de centre-droit.
Cependant, la Turquie, c’est aussi l’héritage laïc de l’ancien président
Mustafa Kemal Atatürk. Cela explique certaines tensions entre religieux et
laïcs quant au port du voile ou au rôle des femmes par exemple.
2.
La place des minorités. Le
gouvernement turc continue de nier l’extermination des deux tiers du peuple
arménien sur son territoire en 1915-1916. Ce négationnisme turc inquiète, d’autant
plus que des défis nationaux sont toujours d’actualité. Aujourd’hui, c’est la minorité kurde (12 à 17 millions de
personnes) qui revendique son indépendance par le biais du Parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK). Plusieurs des accrocs aux libertés de la
presse, notamment l’enfermement de journalistes, sont liés à une répression de
l’État envers des sympathisants des Kurdes.
3.
La proximité avec le monde
arabo-musulman. L’ONU estime que plus de 260 000 réfugiés syriens se
trouvent au pays en raison de l’instabilité politique du régime de Bachar
el-Assad. D’ailleurs, les tensions entre les régimes turc et syrien persistent.
La Turquie offrirait un soutien technique et militaire aux rebelles syriens.
Quant à la position turque face à Israël, elle est mitigée, passant de la
condamnation (lors des événements de la flottille pour Gaza en 2010) à la
réconciliation (au printemps 2013, permettant les raids israéliens sur la
Syrie).
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