Les 6 et 9 août 1945, les États-Unis larguaient deux bombes
atomiques sur le Japon. Les deux villes touchées, Hiroshima et Nagasaki, sont,
depuis, demeurées des symboles célèbres. Y faire référence, c’est rappeler le
point final de la Seconde Guerre mondiale, la guerre la plus meurtrière de
l’histoire de l’humanité (plus de 60 millions de morts, soit environ 3% de la
population mondiale de l’époque). Y faire référence, c’est également commémorer
la victoire des Alliés sur les pays de l’Axe (Allemagne, Italie et Japon).
Cependant, il ne faudrait pas évacuer de l’histoire les atrocités et les
risques inhérents à l’utilisation d’armes nucléaires. Presque sept décennies
après les événements, un regard rétrospectif et analytique est nécessaire.
Une voix divergente
Peu de voix se sont élevées contre cette utilisation
étasunienne de l’arme nucléaire en août 1945. L’une d’elle est celle d’Howard
Zinn (1922-2010), historien célèbre, notamment pour ses travaux sur l’histoire
populaire des États-Unis. Dans son livre La
bombe (publié de façon posthume chez Lux en 2011), celui-ci raconte sa
participation à des bombardements alors qu’il était engagé comme soldat dans la
Deuxième Guerre mondiale. Pour lui, il s’avère nécessaire de condamner les
bombardements intensifs en raison des atrocités infligées aux populations
civiles. Bien qu’il se rappelle de la joie qu’il avait ressenti en 1945 en
apprenant le bombardement d’Hiroshima, , à la fin de sa vie, son bilan est tout
autre. Il est sans appel. Les deux bombes ont causé : 210 000 morts
d’hommes, de femmes et d’enfants, 130 000 décès supplémentaires dans les
cinq années suivantes en raison de la contamination par les radiations, un
nombre incalculable de mutilés, d’intoxiqués, de défigurés et d’aveugles. Quant
à l’argument prétextant que ces attaques, en précipitant le retour à la paix, aurait
permis de sauver des milliers de vie, Zinn le réfute, démontrant que les
Japonais étaient déjà tout près de la capitulation et que le gouvernement des
États-Unis de Harry Truman voulait simplement s’assurer de mettre fin à la
guerre avant que les Soviétiques n’interviennent eux-mêmes au Japon.
La Guerre froide est
terminée, mais…
La rivalité entre Soviétiques et Étasuniens s’est justement déployée
à la grandeur du globe (Corée, Allemagne, Vietnam, Afghanistan) pendant plus de
quatre décennies. Cette période historique célèbrement connue sous le nom de
«Guerre froide» a mené à des épisodes de tension d’une dangerosité extrême.
Pensons à la crise des missiles cubains de 1962. L’escalade de la tension a aussi
mené à une enchère nucléaire incontrôlable : des armes de plus en plus
nombreuses et de plus en plus puissantes, ainsi qu’un nombre grandissant de pays
développant un programme de recherche nucléaire.
Liste des pays possédant l’arme nucléaire
Pays
|
Date des premiers tests nucléaires
|
Inventaire estimé d’ogives nucléaires
|
États-Unis
|
1945
|
8000
|
Russie
|
1949
|
10
000
|
Grande-Bretagne
|
1952
|
225
|
France
|
1960
|
300
|
Chine
|
1964
|
240
|
Inde
|
1974
|
80-100
|
Pakistan
|
1998
|
90-110
|
Israël
|
Information
non disponible
|
80
|
Corée du Nord
|
2006
|
Information
non disponible
|
Source : Stockolm
International Peace Research Institute, janvier 2012 : http://www.sipri.org/research/armaments/nbc/nuclear.
Avant les années 1990, des efforts diplomatiques ont conduit
au Traité de non-prolifération nucléaire (1968) ainsi qu’à l’engagement des États-Unis
et de l’URSS au sein d’accords de désarmement (SALT I en 1972, SALT II en 1979
et START en 1991). D’ailleurs, depuis la chute du mur de Berlin (1989) et la
dissolution de l’Union soviétique (1991), les risques inhérents à la Guerre
froide semblent derrière nous, en apparence du moins. Un nombre important de
pays plaident pour la dénucléarisation et même le président Obama fait du
désarmement nucléaire un de ses dossiers prioritaires en matière de politique
étrangère. Or, les risques sont plus importants que jamais.
À la liste des pays possédant l’arme nucléaire (tableau
ci-dessus), il faut ajouter une dizaine d’États suspectés de faire des
recherches sur l’arme nucléaire, incluant l’Iran et la Turquie. C’est sans
compter les risques liés à la possession de telles armes par des puissances
militaires belliqueuses (pensons à Israël et à la Corée du Nord) et,
éventuellement, le risque que des acteurs non étatiques (groupes terroristes)
puissent mettre la main sur une telle technologie. En somme, vu les difficultés
à contrôler tous ces acteurs, il y a lieu de conclure que la menace nucléaire s’avère
toujours aussi préoccupante aujourd’hui qu’elle ne l’était aux pires heures de
la Guerre froide.
L’avenir du
nucléaire : danger ou opportunité?
Le XXIe siècle sera sans doute le siècle de la
crise écologique. Ainsi, d’une part, certains scientifiques voient le
développement de centrales nucléaires comme la panacée, c’est-à-dire la
possibilité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ils rappellent qu’il
ne faut pas confondre énergie et armement nucléaire. D’autre part cependant,
les catastrophes de Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011) font dire à
plusieurs que l’humanité s’avère d’une grande vulnérabilité face à cette
énergie et qu’il vaut peut-être mieux investir en recherche dans d’autres
domaines (solaire, éolien, géothermique). Quoi qu’il en soit, 68 ans après
Hiroshima et Nagasaki, il faut se rappeler, avec Hans Jonas, que le
développement technologique de l’humanité amène de grandes responsabilités.
Références
Agence internationale de l’énergie atomique,
Site web officiel, Adresse URL :
http://www.iaea.org/.
JONAS,
Hans, Le principe responsabilité :
une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Flammarion, 1999,
450 p.
LE GUELTE,
Georges, Les armes nucléaires, mythes et
réalités, Paris, Actes Sud, 2009, 390 p.
ZINN, Howard,
La bombe. De l’inutilité des
bombardements aériens, Montréal, Lux Éditeur, 2011, 91 p.
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