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dimanche 11 août 2013

Hiroshima, 68 ans plus tard


Les 6 et 9 août 1945, les États-Unis larguaient deux bombes atomiques sur le Japon. Les deux villes touchées, Hiroshima et Nagasaki, sont, depuis, demeurées des symboles célèbres. Y faire référence, c’est rappeler le point final de la Seconde Guerre mondiale, la guerre la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité (plus de 60 millions de morts, soit environ 3% de la population mondiale de l’époque). Y faire référence, c’est également commémorer la victoire des Alliés sur les pays de l’Axe (Allemagne, Italie et Japon). Cependant, il ne faudrait pas évacuer de l’histoire les atrocités et les risques inhérents à l’utilisation d’armes nucléaires. Presque sept décennies après les événements, un regard rétrospectif et analytique est nécessaire.  

Une voix divergente
Peu de voix se sont élevées contre cette utilisation étasunienne de l’arme nucléaire en août 1945. L’une d’elle est celle d’Howard Zinn (1922-2010), historien célèbre, notamment pour ses travaux sur l’histoire populaire des États-Unis. Dans son livre La bombe (publié de façon posthume chez Lux en 2011), celui-ci raconte sa participation à des bombardements alors qu’il était engagé comme soldat dans la Deuxième Guerre mondiale. Pour lui, il s’avère nécessaire de condamner les bombardements intensifs en raison des atrocités infligées aux populations civiles. Bien qu’il se rappelle de la joie qu’il avait ressenti en 1945 en apprenant le bombardement d’Hiroshima, , à la fin de sa vie, son bilan est tout autre. Il est sans appel. Les deux bombes ont causé : 210 000 morts d’hommes, de femmes et d’enfants, 130 000 décès supplémentaires dans les cinq années suivantes en raison de la contamination par les radiations, un nombre incalculable de mutilés, d’intoxiqués, de défigurés et d’aveugles. Quant à l’argument prétextant que ces attaques, en précipitant le retour à la paix, aurait permis de sauver des milliers de vie, Zinn le réfute, démontrant que les Japonais étaient déjà tout près de la capitulation et que le gouvernement des États-Unis de Harry Truman voulait simplement s’assurer de mettre fin à la guerre avant que les Soviétiques n’interviennent eux-mêmes au Japon.
La Guerre froide est terminée, mais…
La rivalité entre Soviétiques et Étasuniens s’est justement déployée à la grandeur du globe (Corée, Allemagne, Vietnam, Afghanistan) pendant plus de quatre décennies. Cette période historique célèbrement connue sous le nom de «Guerre froide» a mené à des épisodes de tension d’une dangerosité extrême. Pensons à la crise des missiles cubains de 1962. L’escalade de la tension a aussi mené à une enchère nucléaire incontrôlable : des armes de plus en plus nombreuses et de plus en plus puissantes, ainsi qu’un nombre grandissant de pays développant un programme de recherche nucléaire.
Liste des pays possédant l’arme nucléaire
Pays
Date des premiers tests nucléaires
Inventaire estimé d’ogives nucléaires
États-Unis
1945
8000
Russie
1949
10 000
Grande-Bretagne
1952
225
France
1960
300
Chine
1964
240
Inde
1974
80-100
Pakistan
1998
90-110
Israël
Information non disponible
80
Corée du Nord
2006
Information non disponible
Source : Stockolm International Peace Research Institute, janvier 2012 : http://www.sipri.org/research/armaments/nbc/nuclear.
Avant les années 1990, des efforts diplomatiques ont conduit au Traité de non-prolifération nucléaire (1968) ainsi qu’à l’engagement des États-Unis et de l’URSS au sein d’accords de désarmement (SALT I en 1972, SALT II en 1979 et START en 1991). D’ailleurs, depuis la chute du mur de Berlin (1989) et la dissolution de l’Union soviétique (1991), les risques inhérents à la Guerre froide semblent derrière nous, en apparence du moins. Un nombre important de pays plaident pour la dénucléarisation et même le président Obama fait du désarmement nucléaire un de ses dossiers prioritaires en matière de politique étrangère. Or, les risques sont plus importants que jamais.
À la liste des pays possédant l’arme nucléaire (tableau ci-dessus), il faut ajouter une dizaine d’États suspectés de faire des recherches sur l’arme nucléaire, incluant l’Iran et la Turquie. C’est sans compter les risques liés à la possession de telles armes par des puissances militaires belliqueuses (pensons à Israël et à la Corée du Nord) et, éventuellement, le risque que des acteurs non étatiques (groupes terroristes) puissent mettre la main sur une telle technologie. En somme, vu les difficultés à contrôler tous ces acteurs, il y a lieu de conclure que la menace nucléaire s’avère toujours aussi préoccupante aujourd’hui qu’elle ne l’était aux pires heures de la Guerre froide.
L’avenir du nucléaire : danger ou opportunité?
Le XXIe siècle sera sans doute le siècle de la crise écologique. Ainsi, d’une part, certains scientifiques voient le développement de centrales nucléaires comme la panacée, c’est-à-dire la possibilité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ils rappellent qu’il ne faut pas confondre énergie et armement nucléaire. D’autre part cependant, les catastrophes de Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011) font dire à plusieurs que l’humanité s’avère d’une grande vulnérabilité face à cette énergie et qu’il vaut peut-être mieux investir en recherche dans d’autres domaines (solaire, éolien, géothermique). Quoi qu’il en soit, 68 ans après Hiroshima et Nagasaki, il faut se rappeler, avec Hans Jonas, que le développement technologique de l’humanité amène de grandes responsabilités.
Références
Agence internationale de l’énergie atomique, Site web officiel, Adresse URL : http://www.iaea.org/.
JONAS, Hans, Le principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Flammarion, 1999, 450 p.
LE GUELTE, Georges, Les armes nucléaires, mythes et réalités, Paris, Actes Sud, 2009, 390 p.
ZINN, Howard, La bombe. De l’inutilité des bombardements aériens, Montréal, Lux Éditeur, 2011, 91 p.

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