Ainsi,
il s’avère impératif d’intervenir! Mais sous quelle forme? Réfléchissons à
trois conséquences imprévisibles d’une action de type militaire : la
relève politique syrienne, la crise humanitaire et les tensions diplomatiques.
La
Syrie est en guerre civile depuis plus de deux ans. Elle a connu ses propres
mobilisations liées au Printemps arabe (dès février 2011), mais le gouvernement
de Bachar al-Assad a rapidement réprimé cette opposition. Par la suite,
plusieurs villes (Deraa, Homs, Hama) ont organisé une résistance au pouvoir
politique central, avec des conséquences tragiques. Par exemple, à Homs, en
février 2012, ont eu lieu des massacres de civils. Cependant, bien que le
gouvernement syrien puisse (et doive) être tenu en bonne partie responsable de la
dégénérescence de la situation, rien ne laisse présager qu’une intervention
militaire viendrait calmer le jeu. Au contraire. Une fois al-Assad délogé, qui
prendrait la relève? L’opposition n’est pas monolithique, elle est diverse,
éparse, hétérogène. En fait, elle s’est même radicalisée depuis deux ans avec
l’arrivée de djihadistes se réclamant d’Al-Qaïda dans le nord du pays. Ceux-ci ne
s’opposent pas qu’au gouvernement, mais aussi à d’autres groupes d’opposants
(les populations kurdes notamment). Une action militaire risquerait d’attiser davantage
la violence et laisserait la Syrie dans la désolation et l’instabilité
politique pour plusieurs années encore.
La
situation humanitaire est également catastrophique. En deux ans et demi, la
guerre civile aurait fait près de 100 000 victimes. Quant aux réfugiés
politiques, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies, ils sont près d’un
million à s’être déplacés dans le pays et près d’un demi-million ayant afflué
dans les pays limitrophes (Jordanie, Turquie, Liban, Irak). Dans un tel
contexte, rien ne laisse croire qu’une intervention militaire pourrait améliorer
la situation. Bien au contraire, par l’exacerbation des violences, elle
risquerait d’alimenter le flot de réfugiés et, par le fait même, déstabiliser
les pays voisins et amplifier la crise humanitaire.
Il y
a ensuite la situation diplomatique. La présente guerre appelle le sentiment
d’urgence dans la communauté internationale. Pourtant, les négociations au
Conseil de sécurité de l’ONU ont achoppé. Ni la Russie, ni la Chine ne souhaitent
une intervention militaire. D’aucuns souligneront le rôle ignoble de la Russie
qui agirait comme fidèle allié d’un dictateur sanguinaire; d’autres, a contrario, mettront plutôt l’accent
sur le fait que la Russie semble être le seul acteur de poids qui souhaite
régler le conflit par les voies diplomatiques (Conférence de Genève-2 proposée
en mai 2013). Toujours est-il qu’une action conjointe des États-Unis, de la
France et de la Grande-Bretagne aurait des conséquences diplomatiques fort
néfastes. Sans être un précédent (Irak, mars 2003), une attaque sans l’aval de
l’ONU – dont les inspecteurs doivent compléter leur travail, disons-le – viendrait
discréditer l’approche multilatérale, en plus d’exacerber les tensions entre
les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. D’ailleurs, même si le pays
de Poutine se comporte lui-même en voyou à bien des égards, il demeure une
puissance militaire et économique avec laquelle l’Occident ne peut se permettre
de rompre les liens. Pourtant, le cas syrien et la récente affaire Snowden nous
font presque oublier que la Guerre froide est terminée depuis plus de deux
décennies.
La guerre civile dure depuis trop longtemps et
l’escalade de la violence, chez tous les belligérants, ne fait que s’accélérer.
Si une intervention étrangère est nécessaire, elle s’avérera assurément plus
efficace par la diplomatie que par les armes. Dans ce domaine, les États-Unis
et la Russie représentent les pièces maîtresses du puzzle syrien.
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