La
Coupe du monde de football se déroule au Brésil du 12 juin au 13 juillet. Il
s’agit sans contredit de l’événement le plus attendu de l’été pour les amateurs
du ballon rond. 32 pays lutteront pour succéder à l’Espagne, championne de
l’édition 2010.
À
l’instar des Jeux olympiques, ce type de méga-événements pose des questions
éthiques sérieuses. Le gouvernement brésilien aurait dépensé plus de 14
milliards de dollars en fonds publics dans le but de préparer l’événement,
notamment en construisant des infrastructures dans 12 villes hôtes. À cet effet,
des soupçons de corruption dans les appels d’offre, ainsi que des retards dans
la construction de stades ont semé les germes d’une contestation populaire.
C’est
que parallèlement, les besoins sociaux du Brésil s’avèrent importants. Bien que
la situation se soit considérablement améliorée sous les présidences de Luiz
Inácio Lula da Silva (2003-2011) et de Dilma Roussef (2011 à aujourd’hui),
pauvreté et violence demeurent des fléaux. Malgré une croissance élevée de son économie
dans la décennie 2000, le Brésil serait toujours au 85e rang pour
l’indice de développement humain (IDH). Une partie importante de la population
(le tiers des habitants de Rio de Janeiro) habite des favelas.
Malgré
un projet de pacification pour préparer le Mondial et les J.O. de 2016 (lutte
aux narcotrafiquants et aux milices), la criminalité semble connaître une
augmentation en 2013-2014, particulièrement dans les quartiers plus touristiques[1].
L’expulsion de groupes criminels organisés aurait en quelque sorte créé un
terreau pour la petite criminalité. En outre, comme corollaire à ces actions
répressives, des villes en périphérie de Rio sont maintenant confrontées à
l’essor du narcotrafic ayant migré.
Homicides intentionnels (taux par 100 000
habitants)
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2007
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2012
|
Canada
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1,6
|
1,6
|
États-Unis
|
5,6
|
4,7
|
Brésil
|
23,5
|
25,2
|
Source : Office des Nations Unies
contre la drogue et le crime, 2014.
La «Revolta do vinagre»
Devant
une situation socioéconomique insoutenable, une mobilisation fut organisée au
printemps 2013. Elle visait initialement à dénoncer la hausse des tarifs
d’autobus. Ce mouvement porte le nom de «Révolte du vinaigre» en raison du port
de mouchoirs enduits de vinaigre pour protéger les manifestants des gaz
lacrymogènes employés par les forces de l’ordre. Rapidement, le mouvement prend
des proportions importantes et devient le symbole d’une lutte contre les
inégalités symbolisées par le Mondial.
Chronologie des
événements
|
·
2005 : création du Movimiento Passe Libre
pour revendiquer la gratuité du transport.
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·
2008 : création de comités populaires de
la Coupe du monde pour critiquer les dépenses publiques et les délogements
causés par l’événement.
|
·
Mars 2013 : manifestations à Porto Alegre
pour protester contre l’augmentation des tarifs d’autobus. Les protestations
s’étendent à plusieurs villes du pays.
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·
13 juin 2013 : Amnistie internationale
dénonce la violence policière à l’encontre des manifestants.
|
·
20-23 juin 2013 : Plus d’un million de
manifestants sortent dans les rues de plusieurs villes brésiliennes, incluant
Rio de Janeiro. Des joueurs de l’équipe brésilienne de football appuient le
mouvement.
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Les mystifications du Mondial
Pour
le sociologue du sport Jean-Marie Brohm, des événements sportifs comme le
Mondial représentent deux grandes mystifications. D’une part, ils favorisent le
sport-spectacle capitaliste menant les classes populaires à s’identifier à des
«mercenaires multimillionnaires». D’autre part, ils font faussement croire en
un exercice de la citoyenneté. «Les affrontements sportifs, surtout en
football, dopés par les enjeux financiers extravagants et exacerbés par les
rivalités nationales ou régionales, débouchent de plus en plus fréquemment […] sur
des débordements criminels dans les gradins et autour des stades»[2].
Au-delà du Mondial
Quand
les yeux de la planète sportive se détourneront du Brésil à la mi-juillet, en
attente des J.O. de Rio (2016), les préoccupations sociales demeureront graves pour
ce colosse d’Amérique du Sud. À l’approche des élections d’octobre, la
présidente Dilma Roussef souhaite redorer son blason. L’économie est au ralenti
(croissance de 2,3% en 2013) et l’inflation explose (plus de 6%) dans ce pays
de 200 millions d’habitants. Mais plus important encore, elle devra répondre à
ce mouvement populaire qui exprime la colère et le désarroi des populations
vulnérables.
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