Les
États-Unis d’Amérique sont cités en exemple comme modèle politique. Avec
raison. Après tout, le pays symbolise la liberté, l’innovation, le prestige. C’est
dans ce pays qu’on retrouve les plus grandes universités (pensons à la Ivy
League), les plus grandes entreprises d’innovation technologique (pensons à la
Silicon Valley), les institutions financières qui dictent la marche à suivre à
bon nombre d’États. Comme gendarme du monde (hard power), mais aussi comme modèle culturel (soft power), les États-Unis exportent encore chaque jour l’image
d’une Amérique triomphante. Néanmoins, la campagne présidentielle actuelle
soulève une fois de plus des questions immenses sur le caractère désuet de la
démocratie étasunienne. Loin de symboliser le progrès et la liberté, ce système
politique est sclérosé, élitiste et gangrené. Examinons la situation.
Le
système est sclérosé. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à observer la présidence
de Barack Obama depuis 2009. À la fondation des États-Unis, le système de checks and balances a été mis en place
pour empêcher les abus possibles d’un des trois pouvoirs (exécutif, législatif
ou judiciaire). Soit. Mais cela fonctionne tellement bien qu’Obama a dû
renoncer à une réforme substantielle du système de santé, qu’il a été dans
l’impossibilité d’apporter quelque changement que ce soit en matière de
contrôle des armes à feu et qu’il a été contraint de suivre l’agenda du Congrès
républicain (depuis 2011) quant aux dépenses de l’État. Même à l’international,
les initiatives du président sont sans cesse contrecarrées (fermeture de
Guantanamo, actions pour lutter contre les changements climatiques,
rapprochements avec Cuba et l’Iran). Pourquoi tant de soucis? Parce que la
partisannerie transcende désormais la chose
publique, éloignant démocrates et républicains de tout compromis possible. L’arrivée
du Tea Party dans le paysage politique depuis 2008 radicalise une frange
importante des partisans républicains et exacerbe ainsi les tensions avec le
parti rival.
Le
système est élitiste. Certains pourraient parler d’« oligarchie » compte tenu
du fait que la moitié des élus au Congrès sont millionnaires. Pour ceux qui
aspirent aux postes de pouvoir, les campagnes électorales sont coûteuses et
réservées exclusivement à l’élite des deux grands partis. Pour un candidat
indépendant, les chances d’être élu sont pratiquement nulles. Quant au système
de vote, il comporte des éléments issus d’une autre époque tel que le système
des Grands électeurs. Toutefois, le plus discriminatoire des éléments est sans
doute la ségrégation informelle qui tient des membres de communautés en entier hors
de l’engagement civique (Noirs et Hispaniques).
Le
système est gangrené. Il l’est par les lobbies et groupes de pression qui
exercent une influence colossale sur les élus. Rappelons à cet effet que les
États-Unis sont en élection à toutes les deux années, d’où l’influence marquée
de tels groupes qui profitent d’un climat électoral permanent. Pour donner
quelques exemples lourds de conséquences, la National Riffle Association (NRA)
bloque toute tentative de contrôle des armes à feu; l’American Israel Public
Affairs Committee (AIPAC) oriente la politique étrangère des États-Unis au Proche
et au Moyen-Orient; des grandes industries pétrolières comme Exxon Mobil ou
Chevron exercent une influence notable sur les politiques énergétiques du pays;
et le dessein des États-Unis se décide davantage à Wall Street qu’à Washington.
En
somme, il serait aisé de se laisser piéger par le cynisme. D’ailleurs, la
campagne dangereusement clownesque de Donald Trump pourrait même nous faire
croire que démocratie rime avec mascarade. Quant aux campagnes de Clinton,
Rubio, Bush ou Cruz, elles ne semblent proposer que la reproduction d’un
système bipartisan figé. Cependant, comme en 2008 quand Obama parlait d’espoir
(Hope) et de changement (Yes we can), les Américains doivent
s’accrocher aux idées progressistes et aux politiciens qui proposent de faire
les choses autrement. Dans cette optique, Bernie Sanders porte un vent de
fraicheur en proposant de s’attaquer au pouvoir de Wall Street. Il propose une
véritable révolution sociale : soins de santé universels, gratuité
scolaire dans les collèges, salaire minimum, fractionnement des grandes
banques. Obama a le mérite d’avoir mobilisé une partie importante de la
population autour d’idées porteuses et de slogans originaux. Le prochain
président devra aller plus loin et assumer des responsabilités sans précédent.
Il devra réformer cette superpuissance.
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