Du 9
au 14 août 2016, un Forum social mondial (FSM) se tiendra à Montréal. Il
s’agira d’un événement historique, puisque c’est la première fois qu’une ville
du Nord sera l’hôte d’un FSM. D’où proviennent les Forums sociaux? Dressons un
portrait sommaire de leurs origines.
Par
la chute du mur de Berlin (1989) et l’éclatement de l’Union soviétique (1991),
c’est toute la géopolitique de la Guerre froide qui était remise en question.
Des auteurs comme Francis Fukuyama clamaient haut et fort la victoire de la
démocratie libérale. Le meilleur des systèmes l’avait emporté, point à la
ligne…fin de l’histoire.
Pourtant,
moins d’une décennie après la fin de la Guerre froide, des formes multiples de
résistance émergeaient, qu’il s’agisse des autochtones du Chiapas (1994), des
manifestants de Seattle (1999) ou, plus près de nous, des manifestants de
Québec lors du sommet des Amériques (2001). Que souhaitaient donc ces groupes?
Difficile d’identifier un message commun, vu le caractère éclaté des
revendications. Mais ces formes de résistance en avaient d’abord contre la mondialisation
telle qu’elle se déployait à l’amorce de ce nouveau millénaire, c’est-à-dire
une mondialisation qui favorisait la dérèglementation en matière économique et
la déresponsabilisation de l’État en matière sociale. Ils en avaient contre ce
soi-disant « meilleur système », le capitalisme néolibéral, tel qu’il
fut mis en place dans le Chili de Pinochet dès 1973, dans la Grande-Bretagne de
Thatcher dès 1979, ou même aux États-Unis de Reagan dans la décennie 1980.
C’est
de ce mouvement de résistance planétaire que sont issus les premiers Forums
sociaux mondiaux (FSM). À l’origine, le premier FSM s’organise en réaction au
Forum économique mondial (FÉM) de Davos qui, depuis 1971, réunit une élite
économique composée de politiciens et de dirigeants d’entreprises.
Symboliquement, le FÉM incarne la mondialisation néolibérale, tandis que les
FSM représentent, non pas un mouvement anti-mondialisation (contre), mais un
mouvement alter-mondialisation[1]
(autre), d’où le slogan « un autre monde est possible ». D’ailleurs,
il n’est pas anecdotique de constater que c’est dans un pays du Sud qui vit
d’énormes problématiques de justice sociale qu’a lieu le premier FSM, soit le
Brésil. Il se déroule en janvier 2001 à Porto Alegre.
L’objectif
des FSM est de créer un lieu propice à l’émergence d’une société civile forte.
L’idée est également de rompre avec une vision du monde occidentalo-centriste
et de permettre aux populations les plus opprimées de penser des alternatives
sociales et politiques. De plus, les FSM s’inspirent des mouvements d’éducation
populaire brésiliens qui clament l’importance de la co-construction des connaissances.
Ainsi, l’horizontalité est favorisée, d’où les principes d’autogestion, l’auto-organisation
d’activités et d’ateliers, ou encore, le refus de clore les forums par une
déclaration unique nécessitant le consensus. Les participants deviennent eux-mêmes
les organisateurs des FSM, mais la place au débat demeure omniprésente avant,
pendant et, surtout, après les événements. Chico Whitaker, cofondateur des FSM,
fait référence à un espace de débat, voire un « incubateur de nouveaux
mouvements sociaux » [2].
Depuis
le premier FSM de Porto Alegre, cette agora à la fois réelle et virtuelle s’est
étendue, reproduite et multipliée. Des forums sociaux régionaux ont eu lieu sur
l’ensemble du globe[3].
Des forums thématiques ont également permis de donner la voix aux populations
palestiniennes lors du Forum mondial sur l’éducation en 2010. Plus de 15 années
après l’organisation du premier FSM, il s’avère plus que jamais nécessaire de
maintenir ce type d’événements pour donner une voix à l’ensemble des
communautés et peuples de la planète. L’exercice s’est avéré fructueux jusqu’à
présent.
Historique des FSM
2001
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Porto Alegre (Brésil)
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2002
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Porto Alegre (Brésil)
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2003
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Porto Alegre (Brésil)
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2004
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Mumbai (Inde)
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2005
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Porto Alegre (Brésil)
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2006
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Forum polycentrique (Venezuela, Mali et Pakistan)
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2007
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Nairobi (Kenya)
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2009
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Belém (Brésil)
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2011
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Dakar (Sénégal)
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2013
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Tunis (Tunisie)
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2015
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Tunis (Tunisie)
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2016
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Montréal (Canada)
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Lectures pour aller plus loin :
Pierre
Beaudet, Raphaël Canet et Marie-Josée Massicotte, L’altermondialisme. Forums sociaux, résistance et nouvelle culture
politique, Montréal, Écosociété, 2010, 477 p.
Francis Dupuis-Déri, L’altermondialisme, Montréal, Boréal, 2009, 127 p
[1] L’expression perdra son trait d’union et sera
progressivement remplacée par le terme altermondialisme.
[2] Francisco (Chico) Whitaker Ferreira,, « Forums sociaux
mondiaux : origines, chemin parcouru, perspectives », dans Pierre Beaudet, Raphaël Canet et Marie-Josée
Massicotte, L’altermondialisme. Forums
sociaux, résistance et nouvelle culture politique, Montréal, Écosociété,
2010, p. 44-55.
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