Texte rédigé pour un blogue d'étudiants du Collège Laflèche
En avril 2009, je terminais mes études de maîtrise en sociologie par le dépôt d’un mémoire sur la question de l’engagement citoyen des jeunes. Concrètement, l’engagement citoyen est l’investissement de son temps dans une cause (politique, sociale, environnementale) dans le but d’améliorer le vivre-ensemble d’une société.
C’est une manifestation d’altruisme.
Vous l’aurez sans doute observé, trop peu de jeunes consacrent temps et énergie à la chose publique. Trop peu considèrent la politique et l’action citoyenne comme des moyens d’émancipation. En revanche, mes recherches m’ont permis de réaliser que les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas moins engagés que l’étaient leurs parents. Ils investissent tout simplement d’autres lieux d’engagement.
Au-delà des débats générationnels dont je traite dans mon mémoire, qu’est-ce qui fait la distinction entre celui qui s’engage et celui qui ne le fait pas? Dans mon cas, l’éveil s’est effectué lors de mes études collégiales, de 1997 à 1999. J’ai alors fait la rencontre de gens significatifs qui m’ont éveillé intellectuellement et socialement. L’un d’entre eux avait pour devise : «on ne vous paiera jamais pour ce que vous ignorez». J’étais entré au collégial avec l’arrogance d’un jeune qui croyait tout savoir et qui banalisait ce qu’il ignorait; j’en sortais convaincu de la faiblesse de ma culture générale et de la nécessité d’agir pour avoir un impact sur le monde qui m’entoure.
Cette histoire est banale. Dans mon cas, elle m’a incité à vouloir enseigner, rédiger des textes d’opinion, m’impliquer au sein de causes qui me tenaient à cœur. Mon engagement est très imparfait. Rassurez-vous, je le reconnais. Il a pris un visage orienté idéologiquement et politiquement (ceux qui me connaissent peuvent deviner l’orientation). Il est donc très critiquable selon l’orientation idéologique que vous privilégiez vous-mêmes. Et je l’assume pleinement.
En ce sens, chacun doit personnaliser son engagement, l’assumer et se remettre constamment en question à savoir s’il en fait suffisamment (ou parfois trop, il faut savoir se retirer) par rapport aux moyens (intellectuels, socioéconomiques) qu’il possède. L’action citoyenne n’est pas réservée aux Laure Waridel, Steven Guilbeault et Naomi Klein de ce monde.
Les moyens de s’engager sont variés : privé plutôt que public, social plutôt que politique, rémunéré plutôt que bénévole. Les causes sont également multiples : environnement, éducation, santé, culture, loisirs, droits humains, lutte à la pauvreté, droits des femmes ou tout autre projet de société particulier. Les engagements peuvent même s’opposer (souverainistes contre fédéralistes; gauche contre droite). Mais ce qui compte réellement, c’est de développer cette fibre de l’engagement, c’est-à-dire ce désir que nos actions aient un impact sur la vie des autres. Il est impératif de fuir ce danger du narcissisme bête qui guette l’humanité. Nous devons en quelque sorte devenir des citoyens au sens athénien du terme.
Quels sont vos engagements?
Ce blogue a pour objectif de présenter des textes d'opinion ou divers travaux en sciences sociales que je produis.
mercredi 17 mars 2010
mardi 16 mars 2010
Le mirage du cyberengagement
En moins de deux décennies, grâce à Internet, les communications se sont transformées sur la planète entière. Le manque de recul historique ne nous permet pas d’apprécier l’ampleur du phénomène, mais il s’avère déjà nécessaire de parler de «révolution». Depuis l’invention de l’imprimerie par Gutenberg au milieu du XVe siècle, aucune innovation communicationnelle n’a eu autant d’impact sur l’humanité. Internet a bouleversé le monde du travail, le monde de l’éducation, les habitudes culturelles, les relations avec nos proches (et moins proches), les loisirs et même la manière de mener des campagnes électorales (pensons à Obama en 2008).
Depuis la fin des années 1990, l’humanité est définitivement devenue cyberdépendante. Quelle entreprise novatrice pourrait se permettre d’être absente du Web en 2010? Quel milieu de travail pourrait se passer des communications par courriels? C’est sans parler de l’importance des réseaux sociaux virtuels, blogues, webtélés, moteurs de recherche ou forums de discussion.
Qu’en est-il de l’engagement citoyen dans un tel contexte? Internet favorise le réseautage et le partage d’informations. Il permet aisément le recrutement de nouveaux membres à des activités ou causes particulières. Il aide à lier des militants potentiels aux lieux d’engagement correspondant à leurs intérêts et besoins. Il rapproche, parfois dangereusement, mais souvent de manière féconde, culture savante et culture populaire. Internet est donc devenu un outil indispensable pour les partis politiques, les groupes communautaires et les associations de toutes sortes.
En revanche, Internet n’est pas garant d’un engagement et d’une responsabilisation accrus des citoyens. L’adhérent peut se conforter dans son cyberengagement, sans pour autant lier sa vie virtuelle à sa vie réelle. Aussi utile puisse-t-il être, le Web 2.0 (1) permet à quiconque de se donner rapidement bonne conscience, par la signature de pétitions ou l’appui exhibé à des causes nobles et justes. Mais tel un mirage, la pertinence de l’engagement disparaît à la première réactualisation de sa page Facebook.
L’engagement citoyen exige du temps, de l’énergie et du plaisir. Or, l’humanité vit aujourd’hui à l’ère de la «wikiculture» (2). Plus que jamais, l’acquisition de savoirs est associée à un processus dont il faut accélérer la marche. On ingère les informations et les expériences au rythme et à la manière dont on surconsomme les objets matériels : de façon boulimique et stoïque. Le danger est alors que le moi virtuel s’impose jusqu’à écraser une vie réelle en perte de sens.
Ainsi, en dépit des avantages indéniables de la révolution Internet, l’engagement citoyen doit toujours passer par une mobilisation physique, sociale, réelle. Le cyberengagement peut représenter un moyen remarquable de conscientisation et de sensibilisation. Mais il doit demeurer ce qu’il est foncièrement, c’est-à-dire un moyen (de communication efficace) et non une fin. Encore aujourd’hui, c’est par un engagement citoyen concret (politique, communautaire, étudiant ou autre) qu’il est possible d’avoir un impact direct sur sa société, peu importe la cause défendue.
(1) Le Web 2.0 désigne cette nouvelle tendance (depuis 2003-2004) à ce que les sites Internet soient plus interactifs (réseaux sociaux, blogues, Wiki, protocole RSS).
(2) Wiki signifie «rapide» à Hawaï. C’est du moins l’information trouvée «rapidement» et sans contre-vérification grâce au site Wikipédia.
Texte publié au Devoir le 19 mars 2010 et à La Presse le 20 mars 2010.
Depuis la fin des années 1990, l’humanité est définitivement devenue cyberdépendante. Quelle entreprise novatrice pourrait se permettre d’être absente du Web en 2010? Quel milieu de travail pourrait se passer des communications par courriels? C’est sans parler de l’importance des réseaux sociaux virtuels, blogues, webtélés, moteurs de recherche ou forums de discussion.
Qu’en est-il de l’engagement citoyen dans un tel contexte? Internet favorise le réseautage et le partage d’informations. Il permet aisément le recrutement de nouveaux membres à des activités ou causes particulières. Il aide à lier des militants potentiels aux lieux d’engagement correspondant à leurs intérêts et besoins. Il rapproche, parfois dangereusement, mais souvent de manière féconde, culture savante et culture populaire. Internet est donc devenu un outil indispensable pour les partis politiques, les groupes communautaires et les associations de toutes sortes.
En revanche, Internet n’est pas garant d’un engagement et d’une responsabilisation accrus des citoyens. L’adhérent peut se conforter dans son cyberengagement, sans pour autant lier sa vie virtuelle à sa vie réelle. Aussi utile puisse-t-il être, le Web 2.0 (1) permet à quiconque de se donner rapidement bonne conscience, par la signature de pétitions ou l’appui exhibé à des causes nobles et justes. Mais tel un mirage, la pertinence de l’engagement disparaît à la première réactualisation de sa page Facebook.
L’engagement citoyen exige du temps, de l’énergie et du plaisir. Or, l’humanité vit aujourd’hui à l’ère de la «wikiculture» (2). Plus que jamais, l’acquisition de savoirs est associée à un processus dont il faut accélérer la marche. On ingère les informations et les expériences au rythme et à la manière dont on surconsomme les objets matériels : de façon boulimique et stoïque. Le danger est alors que le moi virtuel s’impose jusqu’à écraser une vie réelle en perte de sens.
Ainsi, en dépit des avantages indéniables de la révolution Internet, l’engagement citoyen doit toujours passer par une mobilisation physique, sociale, réelle. Le cyberengagement peut représenter un moyen remarquable de conscientisation et de sensibilisation. Mais il doit demeurer ce qu’il est foncièrement, c’est-à-dire un moyen (de communication efficace) et non une fin. Encore aujourd’hui, c’est par un engagement citoyen concret (politique, communautaire, étudiant ou autre) qu’il est possible d’avoir un impact direct sur sa société, peu importe la cause défendue.
(1) Le Web 2.0 désigne cette nouvelle tendance (depuis 2003-2004) à ce que les sites Internet soient plus interactifs (réseaux sociaux, blogues, Wiki, protocole RSS).
(2) Wiki signifie «rapide» à Hawaï. C’est du moins l’information trouvée «rapidement» et sans contre-vérification grâce au site Wikipédia.
Texte publié au Devoir le 19 mars 2010 et à La Presse le 20 mars 2010.
mercredi 3 mars 2010
La torture, un acte devenu banal
Le Canada est l’un des 146 pays du monde à avoir ratifié la Convention contre la torture adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1984. Selon celle-ci, la torture se définit par «tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne». D’aucuns diraient qu’il s’agit d’une pratique barbare (par opposition à «civilisée»). Une pratique d’une autre époque quoi!
Pourtant, la torture est loin d’être disparue. Bien qu’elle soit proscrite dans une majorité de pays du monde, elle représente toujours un fléau important pour la condition humaine et elle marque indélébilement les populations qui en sont touchées. Il n’y a qu’à penser aux stigmates laissés par les tortures sous Pinochet au Chili. Non seulement la torture n’est pas disparue, mais la situation se détériore sans cesse depuis le début du siècle. C’est la conclusion que tirent des Organisations non gouvernementales (ONG) comme Human Rights Watch ou Amnistie Internationale. D’ailleurs, en 2004, ces dernières constataient que la «guerre au terrorisme» menait le gouvernement étasunien à ne respecter ni la Convention contre la torture ni la Convention de Genève afin de ne pas se «laisser affaiblir» par son respect des droits humains.
Le Canada n’est pas exempt de cette dérive tortionnaire. Depuis la promulgation de la loi antiterroriste (décembre 2001), il cautionne une torture délocalisée, soit littéralement une sous-traitance de la torture. Il a alors commencé à jouer un rôle de complice dans de nombreuses allégations de tortures à travers le monde (notamment les cas de Maher Arar et d’Adil Charkaoui). À l’automne 2009, on apprenait que le gouvernement canadien était au fait (au moins depuis 2006) des mauvais traitements infligés aux prisonniers qu’il transférait dans des prisons afghanes. Ajoutons à cela le cas d’Omar Khadr, ce jeune prisonnier canadien, détenu à la prison de Guantanamo Bay depuis 2002 et dont le gouvernement Harper refuse le rapatriement.
La torture, cet acte de violence des plus répréhensibles, a été complètement banalisé par le gouvernement canadien en l’espace d’une décennie seulement. Au nom de quoi? De la sécurité. De la lutte au terrorisme. De la guerre. Par cette rhétorique simpliste et irrationnelle, on assiste à un glissement de la morale des plus inquiétants. La banalisation de la torture ouvre ainsi la voie à des reculs sans précédent en matière de droits humains.
Pourtant, la torture est loin d’être disparue. Bien qu’elle soit proscrite dans une majorité de pays du monde, elle représente toujours un fléau important pour la condition humaine et elle marque indélébilement les populations qui en sont touchées. Il n’y a qu’à penser aux stigmates laissés par les tortures sous Pinochet au Chili. Non seulement la torture n’est pas disparue, mais la situation se détériore sans cesse depuis le début du siècle. C’est la conclusion que tirent des Organisations non gouvernementales (ONG) comme Human Rights Watch ou Amnistie Internationale. D’ailleurs, en 2004, ces dernières constataient que la «guerre au terrorisme» menait le gouvernement étasunien à ne respecter ni la Convention contre la torture ni la Convention de Genève afin de ne pas se «laisser affaiblir» par son respect des droits humains.
Le Canada n’est pas exempt de cette dérive tortionnaire. Depuis la promulgation de la loi antiterroriste (décembre 2001), il cautionne une torture délocalisée, soit littéralement une sous-traitance de la torture. Il a alors commencé à jouer un rôle de complice dans de nombreuses allégations de tortures à travers le monde (notamment les cas de Maher Arar et d’Adil Charkaoui). À l’automne 2009, on apprenait que le gouvernement canadien était au fait (au moins depuis 2006) des mauvais traitements infligés aux prisonniers qu’il transférait dans des prisons afghanes. Ajoutons à cela le cas d’Omar Khadr, ce jeune prisonnier canadien, détenu à la prison de Guantanamo Bay depuis 2002 et dont le gouvernement Harper refuse le rapatriement.
La torture, cet acte de violence des plus répréhensibles, a été complètement banalisé par le gouvernement canadien en l’espace d’une décennie seulement. Au nom de quoi? De la sécurité. De la lutte au terrorisme. De la guerre. Par cette rhétorique simpliste et irrationnelle, on assiste à un glissement de la morale des plus inquiétants. La banalisation de la torture ouvre ainsi la voie à des reculs sans précédent en matière de droits humains.
Une place de choix pour les autochtones aux Jeux de Vancouver?
Texte de membres de Comité de Solidarité de Trois-Rivières
Nancy Baril, Brian Barton, Jules Bergeron, Denise Caron, Élisabeth Cloutier,Chantal Chicoine, Maude Goudreault, Claude Lacaille, Annie Lafontaine, Daniel Landry, Jean-Claude Landry, Pierre Lavergne, Mario Lemelin, Louise Létourneau, Jean-Marc Lord, Maude Marcaurelle, Mariette Milot, Anick Michaud, Nicole Philippe, Sylvie Poirier, Béatrice Porco, Marguerite Surprenant
Le Comité olympique de Vancouver (COVAN) a engagé les quatre nations autochtones sises sur le territoire de Vancouver-Whistler dans l’organisation des Jeux d’hiver comme partenaires et hôtes officiels. La cérémonie d’ouverture leur a fait une large place et leurs dirigeants se tenaient à la tribune aux côtés de la gouverneure générale du Canada, du Comité international olympique et de la COVAN. Symboliquement, ils reprenaient la place qui leur revient au pays comme chefs des Premières nations devant des millions de spectateur du monde entier.
Au plan économique, ces Premières nations se sont vues octroyer des millions de dollars en échange de leur appui et des retombées importantes pour les entreprises et les travailleurs autochtones. Mais surtout les Jeux d’hiver ont été l’occasion de rendre visibles les Premières nations aux yeux du monde. Aux jeunes autochtones de communautés isolées et marginalisées, l’évènement a pu procurer un sentiment d’appartenance et de fierté.
L’argent n’achète pas la dignité.
Vancouver demeure un foyer d’extrême pauvreté et connaît la plus grande crise d’itinérance en Amérique du Nord. Les autochtones forment 30% des sans-abris alors qu’ils ne forment que 2% de la population de la province.
Aussi, la visibilité donnée aux autochtones leur a donné l’opportunité de dénoncer la situation coloniale dans laquelle ils se trouvent. Profitant de la présence de 10 000 journalistes accrédités, le chef de la nation squamish, Bill Williams, n’a pas hésité à dénoncer le peu de soutien des gouvernements provincial et fédéral envers les Premières nations. Car la situation des autochtones au Canada est inacceptable.
Le grand chef de l’Assemblée des Premières nations, Shawn Atleo, a rappelé au Premier ministre Harper qu’il ne suffisait pas de faire des excuses pour les pensionnats, mais qu’il fallait investir en éducation. « L’éducation fut un instrument pour nous éliminer dans le passé, mais elle pourrait devenir le moyen de nous libérer de la pauvreté et du désespoir ». Seulement 8% des autochtones ont complété leur secondaire et ce pourcentage se réduit à 4% sur les réserves. M. Atleo a pour objectif de permettre à 65 000 autochtones de terminer leurs études postsecondaires dans les cinq prochaines années. « Le prochain budget fédéral devrait le prévoir ».
Le Canada est toujours un pays colonialiste
Au sommet du G20, en septembre 2009, Stephen Harper déclarait: « Nous n’avons pas d’histoire de colonialisme. » C’est le colonialisme qui a donné lieu aux pensionnats autochtones dans un but d’assimilation; à la loi sur les Indiens qui a rejeté les formes traditionnelles de gouvernance et discriminé les femmes; au vol des terres et à la relocalisation forcée des communautés; à la criminalisation et la suppression des langues et des cultures; au sous-financement chronique des communautés et des programmes gouvernementaux et enfin au refus de signer la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations unies qui reconnaît leur droit à l’auto-détermination. Sur la scène internationale, le Canada a été durement critiqué pour le traitement fait aux peuples autochtones et le non respect des droits aborigènes et des traités. Le colonialisme se perpétue.
Nous exigeons donc que le gouvernement fédéral mette fin à son isolement international en signant la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations unies, votée par l’Assemblée générale de l’ONU le 13 septembre 2007 et en se conformant aux recommandations du Conseil des droits de la personne de l’ONU qui a constaté le non respect par le Canada des droits politiques, économiques et sociaux des Premières nations.
S'abonner à :
Messages (Atom)