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Professeur de sociologie et d'histoire.

jeudi 27 janvier 2011

Le féminisme au passé, au présent et au futur


Une des grandes luttes du XXe siècle occidental est celle visant la libération de populations opprimées. D’emblée, on peut penser aux divers mouvements de décolonisation ou encore aux luttes des travailleurs qui ont permis de donner une voix à un pan entier de l’humanité. Pourtant, la plus grande des libérations de ce siècle est sans doute attribuable à la révolution féministe. Au cours de ce siècle, la condition des femmes s’est complètement transformée. Elle continue de l’être.


À divers moments du XXe siècle (selon le contexte, selon les sociétés), des femmes autrefois reléguées à la sphère privée ont enfin pu accéder à la sphère publique. Concrètement, au Québec par exemple, cela signifie un accès accru aux études supérieures et au marché du travail, une acquisition du droit de vote, un accroissement de la représentation au sein de conseils d’administration et même au sein des élus. C’est sans compter ce que j’appellerais les luttes légales et l’«égale», les premières visant à transformer la loi dans des dossiers précis touchant les femmes (droit à l’avortement, équité salariale), les secondes visant simplement à faire reconnaître socialement (par la transformation des mentalités) l’égalité des femmes dans toutes les sphères de la vie publique. 

À première vue, on pourrait croire que la lutte est terminée. Il y a plus de femmes que d’hommes dans les universités. L’équité salariale semble chose acquise. De nombreux groupes communautaires défendent les femmes et s’assurent le maintien des acquis. Quant aux postes de pouvoir, les femmes y sont représentées plus que jamais. Victoire donc? Non, pas tout à fait. En réalité, depuis le début du XXIe siècle, une morale conservatrice resurgit au cœur des débats politiques en Occident et mène à de dangereuses remises en question des acquis féministes. 

L’exemple le plus probant de pensée réactionnaire se trouve sans doute chez nos voisins du sud, les États-Unis, où le mouvement Tea Party symbolise la montée d’un conservatisme moral des plus préoccupants, notamment dans le dossier de la condition féminine. Mais le Canada n’est pas en reste. Politiquement, depuis 2006, le gouvernement de Stephen Harper agit aussi de façon inquiétante. Il rouvre le débat sur l’avortement, refusant notamment que le Canada contribue à certains programmes de santé des mères dans les pays en développement. Il coupe les subventions aux organismes de défense des femmes et aux groupes vulnérables. Socialement, il y a également lieu de s’inquiéter de violences perpétrées à l’endroit de femmes (rappelons-nous la tragédie de la polytechnique). Mais il y a aussi lieu de se questionner sur l’apparition de certains groupes d’hommes qui tiennent un discours machiste, voire dégradant à l’égard des femmes. 

Le mouvement féministe a mené des luttes importantes au XXe siècle. Il en reste cependant beaucoup d’autres à mener. Les femmes de plusieurs pays sont toujours recluses au domaine privé, n’ayant pas encore accès à la sphère publique (travail, études). Pire encore, elles représentent souvent les premières victimes des conflits armés et de l’exploitation sous toutes ses formes (viols, prostitution, crimes d’honneur). Mais des luttes sont aussi à mener ici, au Québec. Juste à penser au débat sur la représentation saine dans les médias, aux revendications pour offrir une éducation sexuelle de qualité à nos enfants et adolescents, aux luttes contre les trop nombreuses agressions sexuelles, au débat entourant les populations de femmes marginalisées ou vivant de prostitution. Le retour à une morale conservatrice et rétrograde ne pourra que freiner la progression du féminisme dans tous ces dossiers. Le futur du féminisme passe donc par la marginalisation de ces mouvements issus d’une autre époque.

2 commentaires:

Florence a dit...

Très bel article, je suis ravie de voir qu'on réalise que la bataille féministe est loin d’être un enjeu désuet. C’est encore une bataille quotidienne. Tant d’autres aspects de la vie regorgent de stéréotypes machistes comme par exemple le milieu familial et juridique.
Quand je lis des articles comme celui ci : http://bloguealandry.blogspot.com/2011/01/le-feminisme-au-passe-au-present-et-au.html, mes ovaires ne font qu’un tour. La prochaine étape du féministe c’est accepter que l’égalité emporte les bons comme les mauvais côtés. C’est accepter que les femmes n’ont pas cette aura sacro-sainte de science infuse maternelle, de seule détentrice du savoir nourricier. Que les choses soient claires, je ne crois pas en l’instinct maternel. Pour les mêmes raisons que deux pères sont tout à fait capables de fournir amour, sécurité et éducation à leur enfant, un père peut et doit être présent auprès de son enfant dès la naissance de celui ci (et tout au long de sa vie!) . Cette conception préhistorique du noyau familial est assez explicite dans les décisions de gardes d’enfants et de pension alimentaire. Il est scandaleux et extrêmement triste de lire les décisions qui, une à une, retire la garde des enfants au père pour des raisons arbitraires et discrétionnaires. Quand j’entends une femme plaider qu’elle s’est sacrifié tout sa vie pour élever ses enfants et qu’elle mérite donc garde-pension-maison-auto je me rends compte du long chemin qu’il reste à faire. Je parle ici évidemment de la pension alimentaire de la mère et non celle des enfants, ce sont deux choses séparées et indépendantes. Cette victimisation de la mère/femme me transporte aux balbutiements du droit où il était impossible qu’une femme puisse vivre sans un homme. Il était justifié dans ces temps qu’un mari verse une pension à sa femme, puisqu’il lui était interdit de travailler. Mais plaider cet argument aujourd’hui c’est admettre son incompétence à travailler et c’est une grave atteinte à l’autonomie et la fierté des femmes. Je vous épargne donc ce que je pense du jugement de « Lola c. Éric » qui s’en va en cour suprême.
Personnellement l’égalité je la veux entièrement et cela est tout à fait possible sans se dénaturer et perdre son identité de femme.

Anonyme a dit...

Ce post m'a beaucoup aide dans mon positionnement. Merci pour ces informations