1. La fin de l’époque «contemporaine»
Il y a six ans, nous entrions dans un nouveau millénaire. Cet an 2000 tant attendu, tant appréhendé, constituait-il le point d’entrée de l’humanité dans une nouvelle époque, dans un nouveau paradigme temporel? Tout historien vous dira que le passage d’une époque à l’autre ne se fait jamais du jour au lendemain. Les cinq piliers d’une civilisation – économique, social, politique, culturel et idéologique – subissent une importante mutation pour passer d’une époque à l’autre. Par exemple, si la Révolution française (1789) marque le cœur d’un changement d’époque, la philosophie des Lumières, l’industrialisation et l’effervescence sociale et politique dans toute l’Europe de l’ouest sont de nécessaires facteurs explicatifs de tout le contexte. À ce moment, l’Occident entrait dans l’époque contemporaine, celle-là même qui donnera naissance au socialisme, au colonialisme, aux deux guerres mondiales, au monde bipolaire. Peut-être parlerons-nous un jour de cette époque comme celle de l’installation progressive de la «mondialisation». Laissons aux historiens du futur le soin de baptiser ces deux siècles.
Notre monde est en pleine transition vers une autre époque dont on ne connaît que trop peu de choses. Les travaux sur la «fin de l’histoire» et le règne de l’idéologie libérale (Francis Fukuyama) ou l’entrée dans une toute nouvelle logique de «clash des civilisations» (Samuel P. Huntington) sont des tentatives plutôt maladroites de démontrer que quelque chose vient de se terminer et qu’une nouvelle époque prend racines. Maladroites à juste titre, car tout comme l’historien ayant vécu en 1914 n’aurait pu dresser les caractéristiques du 20e siècle qui naissait sous ses yeux, il nous est également impossible de définir efficacement cette nouvelle époque qui s’est amorcée quelque part entre la chute du mur de Berlin (1989) et les attentats du 11 septembre 2001. Au mieux, j’identifierai ce que je considère comme ses trois «maux» les plus criants.
2. Trois maux d’une nouvelle époque
a) Le sida comme pandémie révélatrice de la fragilité de notre espèce
Le premier de ces maux est la pandémie du sida. Depuis l’identification de la maladie en 1981, ce serait 25 millions de personnes qui en seraient décédées. Aujourd’hui, selon les estimations, plus de 40 millions de personnes seraient séropositives. C’est depuis 2002 que le sida est considéré comme une pandémie globale qui ne montre aucun signe de ralentissement. Dans certains pays d’Afrique, là où les conditions économiques sont les plus difficiles et où la sensibilisation est le moins développé, c’est parfois une personne sur quatre qui est frappée par la maladie. C’est le cas entre autres en Afrique du Sud où le gouvernement a même mis en doute la réalité même du sida.
Le sida, mais aussi l’épisode du SRAS en 2003 et la grippe aviaire à venir, ont mis en évidence la vulnérabilité de l’humanité en ce 21e siècle. Pourtant, nous continuons de nous comporter en conquérant vis-à-vis notre milieu de vie. Mon deuxième point en témoigne.
b) La destruction de l’environnement
L’environnement devient une préoccupation importante, surtout chez les jeunes générations. Des groupes écologistes se forment. Le mouvement social altermondialiste brandit la protection de l’environnement comme revendication principale. La société civile s’éveille! Les gouvernements commencent à développer des politiques de développement durable. Voici un dossier sur le point d’être réglé. Non, pas tout à fait. Si cela fait une dizaine d’années que la population s’éveille aux problèmes environnementaux, cela fait deux siècles que l’industrialisation a entamé son processus de destruction de notre habitat. Les forêts québécoises sont presque entièrement détruites. Ailleurs? Forêt amazonienne ravagée en Amérique du Sud, ressources pétrolières à quelques décennies de l’épuisement au Moyen-Orient, ressources d’eau potable qui s’épuisent même dans des pays comme la France. Ne parlons pas de l’Afrique, il y a longtemps que les ressources naturelles sont à sec. C’est sans parler non plus des espèces animales et végétales en voie d’extinction.
Rien n’y fait, l’humanité (particulièrement l’Occident) n’a jamais autant consommé, n’a jamais autant gaspillé. Et ce n’est pas terminé. La Chine est l’Inde (plus du tiers de la population de la planète à leur deux), ont des taux de croissance avoisinant les 6 à 8% annuellement. Et pendant ce temps, jamais ne s’est-il autant vendu d’automobiles, les industries les plus polluantes continuent de bénéficier de réductions d’impôt et les gouvernements continuent de faire passer la «croissance» avant l’environnement (dans le dossier Kyoto entre autres).
c) Pauvreté et inégalités
Depuis le début des années quatre-vingt, les inégalités économiques entre riches et pauvres ne cessent d’augmenter. De nombreux organismes, ONG et coopérants oeuvrent partout dans le monde. Des économistes comme l’Américain Jeffrey Sachs proposent des plans pour enrayer l’extrême pauvreté. Les objectifs du Millénaire de l’ONU devaient même permettre de réduire au moins de moitié la misère dans le monde d’ici 2015. Malheureusement, dans ce dossier également, on agit trop peu. L’être humain (au singulier) n’est pas une préoccupation des gouvernements des pays les plus industrialisés. Les êtres humains (au pluriel), s’ils ne s’organisent pas pour défendre leurs droits, – ce que font rarement les gens qui se battent pour leur survie – deviennent de simples anonymes, de simples statistiques.
En Occident, l’État providence est critiqué pour ses politiques amenant à la déresponsabilisation individuelle. Tout de même, un certain consensus réside sur la nécessité d’offrir à tous un filet de sécurité sociale et un accès à l’éducation. Soyons lucides quelques instants. La relation entre inégalités socioéconomiques et violence a toujours été bien évidente. Par exemple, juste à constater le niveau de vie des Noirs et des Hispanophones par rapport aux White Anglo-Saxon Protestant (WASP) aux États-Unis pour comprendre une partie du problème du racisme depuis deux siècles. Les politiques néolibérales des vingt-cinq dernières années font pourtant oublier ces évidences et font entrer l’humanité dans le nouveau millénaire beaucoup plus vulnérable aux désastres humanitaires et aux conflits de toutes sortes.
3. Décrire une nouvelle ère
De nombreux sociologues et philosophes ont discuté et discutent toujours de ce passage à une nouvelle ère. Tantôt on la nomme ère «cybernétique» en référence au développement accru des technologies – pensons à l’informatique et aux nanotechnologies – , tantôt on utilise le terme galvaudé de «postmodernité». Dans son ouvrage Le naufrage de l’université, Michel Freitag parle du futur qui «est campé devant nous, [qui] nous tient et nous conquiert» (p. 10), annihilant ainsi toute cette liberté que l’humanité croit avoir acquise par la Raison. Voilà peut-être ce qui menace et identifie à la fois cette nouvelle époque. Concurrence, croissance, performance, efficacité deviennent les nouveaux mots d’ordre, les nouvelles manières d’être et d’agir pour faire face au futur. Un peu abstrait? Pensez donc aux gouvernements qui prennent des décisions non en fonction des besoins de la population, mais en fonction de leur cote de crédit (le déficit zéro de Bouchard, ça vous dit quelque chose?); pensez aux lobbies des armes et du pétrole qui ont plus de pouvoir que des millions de citoyens; pensez à la tyrannie des marques (Naomi Klein, No Logo) qui, en plus d’encourager le gaspillage et la surconsommation, place dans les mains des aléas de la publicité le pouvoir de décider de l’avenir de millions de travailleurs; pensez enfin aux jeunes de 17-18 ans qui font un choix de carrière en fonction uniquement des débouchés ou de l’argent qu’ils peuvent gagner dans ce «futur». Mené par un objectif d’efficience, est évacuée toute subjectivité, donc, évidemment, toute humanité, des prises de décisions personnelles ou collectives.
Pendant ce temps, les «maux» de notre époque continuent de courir et de s’aggraver. Pourquoi? Parce qu’en tant que simples variables d’un système qui les dépasse, les individus cherchent des solutions aux problèmes éphémères des organisations systémiques (multinationales, boîtes publicitaires, entreprises de finance, etc.) plutôt que des solutions aux problèmes sociétaux réels tels que les trois «maux» que j’ai soulignés. En d’autres termes, la société meurt, remplacé par le une «organisation systémique du social». En ce sens, une crise boursière s’avère être un problème beaucoup plus pressant – pour ce système – que le sida, la destruction de l’environnement ou la pauvreté. Le mirage de la liberté individuelle n’est donc plus au cœur de la pratique sociale, car les individus, très loin de la recherche de l’authenticité (Charles Taylor), sont plutôt atomisés les uns les autres à la manière décrite par Hannah Arendt dans ses travaux sur le totalitarisme. Cela rappelle presque le monde fictif imaginé par les frères Wachowski dans leur trilogie The Matrix.
Voici schématiquement la perte de sens qui menace l’humanité en ce début de nouvelle époque. Voici donc à quoi devra faire face les prochaines générations. Scénario pessimiste me direz-vous? Pas si l’on s’attaque de plein pied aux véritables maux qui nous menacent. Pas si l’on place au cœur de nos préoccupations les finalités auxquelles l’humanité aspire. Pas si l’on cesse de laisser toute cette latitude à l’économisme et à la technocratie. Jamais nous n’avons eu autant les moyens – intellectuels et techniques – de modifier notre présent et de préparer notre avenir. Prenons-en conscience.
Ce blogue a pour objectif de présenter des textes d'opinion ou divers travaux en sciences sociales que je produis.
samedi 29 juillet 2006
vendredi 21 juillet 2006
Les théories du complot
Toujours intéressant de se tenir informé à propos de ce qui se fait dans ce monde «parallèle» où règnent conspirations et complots de toutes sortes (parfois véritables, parfois inventés de toutes pièces).
Voici trois vidéos que j'ai vu - et grandement apprécié - dernièrement. Trois vidéos dont j'ai pourtant peu à dire, ne pouvant critiquer que les interprétations et non les faits - que je n'ai pas vérifiés - qui y sont rapportés.
Donc... à vous de choisir ce qui vous intéresse. Et à vous surtout de me dire ce que vous en pensez, car j'en pense peu...
On n'a jamais marché sur la lune!!!
http://www.dailymotion.com/truthurts/video/253047
Le 11 septembre est un coup monté étasunien!!!
http://www.loosechange911.com/
Un projet américain (HAARP) est en cours pour, à l'aide d'ondes radio, modifier le climat et manipuler les comportements humains!!!
http://www.quelestmonip.info/pop/HAARP%20-%20CBC%20Broadcast%20(VCD)%20-%20Sascha%20-.avi
Voici trois vidéos que j'ai vu - et grandement apprécié - dernièrement. Trois vidéos dont j'ai pourtant peu à dire, ne pouvant critiquer que les interprétations et non les faits - que je n'ai pas vérifiés - qui y sont rapportés.
Donc... à vous de choisir ce qui vous intéresse. Et à vous surtout de me dire ce que vous en pensez, car j'en pense peu...
On n'a jamais marché sur la lune!!!
http://www.dailymotion.com/truthurts/video/253047
Le 11 septembre est un coup monté étasunien!!!
http://www.loosechange911.com/
Un projet américain (HAARP) est en cours pour, à l'aide d'ondes radio, modifier le climat et manipuler les comportements humains!!!
http://www.quelestmonip.info/pop/HAARP%20-%20CBC%20Broadcast%20(VCD)%20-%20Sascha%20-.avi
jeudi 20 juillet 2006
La fin d'une époque
En quelques mots, il venait d’effacer du revers de la main une particularité importante de l’identité canadienne. En une phrase ou deux, il venait de changer la façon dont les autres nous regarderaient.
Il, c’est notre premier ministre Stephen Harper; les quelques mots, ce sont ceux qu’il a prononcés au tout début de la crise au Proche-Orient en prenant nettement partie pour le camp israélien; les autres, ce sont les populations du monde entier qui, habituellement, perçoivent le Canada comme un pays neutre, comme un pays de tolérance et d’ouverture.
La question n’est même pas de savoir si les attaques israéliennes sur le Liban sont justifiées ou non. La question n’est pas non plus de savoir comment il serait possible de calmer cette poudrière proche-orientale qui est à la source du mythe du «choc des civilisations». Ceci est un débat extrêmement complexe que seule la diplomatie pourra, à longue échéance, dénouer.
Ce qu’il faut discuter ici, c’est la place que le Canada peut et doit jouer sur la scène internationale. Rappelons-nous que c’est Lester B. Pearson, en 1956, qui est à l’origine de la création des forces de maintien de la paix des Nations Unies, les casques bleus. Rappelons-nous également que même si le Canada était du côté du «monde libre» durant la guerre froide, il a refusé de s’impliquer directement dans le conflit au Vietnam et il est demeuré sensiblement ouvert à certains régimes socialistes (pensons aux bonnes relations Trudeau-Castro). Aussi, dernièrement, le Canada a refusé d’intervenir en Irak aux côtés des Américains, ce qui s’est avéré sans doute la meilleure décision de toute la carrière de Jean Chrétien. Pour ces raisons et bien d’autres, le Canada est perçu comme un pays d’une force militaire très modeste mais d’une force diplomatique très puissante. À vrai dire, peu de pays dans le monde peuvent se vanter d’avoir une aussi bonne réputation à l’international que le Canada.
Ça, c’était avant Harper. Cette réputation chèrement acquise est sur le point de s’écrouler sous le poids des politiques intérieures répressives et des politiques extérieures belliqueuses du gouvernement conservateur. Avoir de bonnes relations diplomatiques avec notre voisin du Sud ne signifie pas devenir son alter ego ou sa version miniature. En prenant position pour Israël, Harper déclarait indirectement la guerre à tout le monde arabe. Geste malhabile il va s’en dire. Pire encore, il retirait le Canada du nombre des rares pays susceptibles, par leur neutralité, de rechercher une solution diplomatique au conflit. Par cette prise de position, Harper rendait le Canada inapte dans ce qu’il fait de meilleur : la diplomatie.
Désire-t-on un Canada qui envoie plus de troupes pour occuper l’Afghanistan et l’asservir économiquement? Désire-t-on un Canada qui se sent obligé de prendre partie pour Israël dans un conflit pour lequel leur seul pouvoir d’intervention pourrait en être un diplomatique? Tant qu’à y être, désire-t-on que le Canada s’implique militairement dans le bourbier irakien? Il serait préférable de penser sérieusement à ces questions avant les prochaines élections. Le gouvernement Harper n’est pour l’instant que minoritaire, vous vous en souveniez?
Il, c’est notre premier ministre Stephen Harper; les quelques mots, ce sont ceux qu’il a prononcés au tout début de la crise au Proche-Orient en prenant nettement partie pour le camp israélien; les autres, ce sont les populations du monde entier qui, habituellement, perçoivent le Canada comme un pays neutre, comme un pays de tolérance et d’ouverture.
La question n’est même pas de savoir si les attaques israéliennes sur le Liban sont justifiées ou non. La question n’est pas non plus de savoir comment il serait possible de calmer cette poudrière proche-orientale qui est à la source du mythe du «choc des civilisations». Ceci est un débat extrêmement complexe que seule la diplomatie pourra, à longue échéance, dénouer.
Ce qu’il faut discuter ici, c’est la place que le Canada peut et doit jouer sur la scène internationale. Rappelons-nous que c’est Lester B. Pearson, en 1956, qui est à l’origine de la création des forces de maintien de la paix des Nations Unies, les casques bleus. Rappelons-nous également que même si le Canada était du côté du «monde libre» durant la guerre froide, il a refusé de s’impliquer directement dans le conflit au Vietnam et il est demeuré sensiblement ouvert à certains régimes socialistes (pensons aux bonnes relations Trudeau-Castro). Aussi, dernièrement, le Canada a refusé d’intervenir en Irak aux côtés des Américains, ce qui s’est avéré sans doute la meilleure décision de toute la carrière de Jean Chrétien. Pour ces raisons et bien d’autres, le Canada est perçu comme un pays d’une force militaire très modeste mais d’une force diplomatique très puissante. À vrai dire, peu de pays dans le monde peuvent se vanter d’avoir une aussi bonne réputation à l’international que le Canada.
Ça, c’était avant Harper. Cette réputation chèrement acquise est sur le point de s’écrouler sous le poids des politiques intérieures répressives et des politiques extérieures belliqueuses du gouvernement conservateur. Avoir de bonnes relations diplomatiques avec notre voisin du Sud ne signifie pas devenir son alter ego ou sa version miniature. En prenant position pour Israël, Harper déclarait indirectement la guerre à tout le monde arabe. Geste malhabile il va s’en dire. Pire encore, il retirait le Canada du nombre des rares pays susceptibles, par leur neutralité, de rechercher une solution diplomatique au conflit. Par cette prise de position, Harper rendait le Canada inapte dans ce qu’il fait de meilleur : la diplomatie.
Désire-t-on un Canada qui envoie plus de troupes pour occuper l’Afghanistan et l’asservir économiquement? Désire-t-on un Canada qui se sent obligé de prendre partie pour Israël dans un conflit pour lequel leur seul pouvoir d’intervention pourrait en être un diplomatique? Tant qu’à y être, désire-t-on que le Canada s’implique militairement dans le bourbier irakien? Il serait préférable de penser sérieusement à ces questions avant les prochaines élections. Le gouvernement Harper n’est pour l’instant que minoritaire, vous vous en souveniez?
mardi 18 juillet 2006
La meilleure époque?
Qu'on le veuille ou non, quand on a une formation en histoire, on cherche à évacuer tout anachronisme de nos analyses. En ce sens, il ne sert à rien de comparer des époques entre elles sans en connaître le contexte. On pourrait faire alors preuve non pas d'ethnocentrisme, mais de ce que j'appellerais un «temporallo-centrisme».
Tout de même, lire un peu sur l'histoire de notre espèce est suffisant pour se rendre compte que je vis dans un espace-temps des plus calme, des plus pacifique et même des plus libéral qu'il n'y a jamais eu. J'entends déjà le contre-argument - parce que c'est habituellement moi qui le formule - comme quoi c'est plutôt un conservatisme économiste qui a envahi la planète depuis les deux chocs pétroliers, et que cet économisme a des répercussions sociales menant à une fermeture culturelle et par une baisse de la tolérance à la différence dans le monde entier. Tout cela est vrai, mais relativisons!
Je suis né en 1980 au Québec. Le Québec, c'est cette province canadienne qui, disons-le, n'a pratiquement connu aucun épisode politique violent dans son histoire, hormis - et ce sont quand même d'important hormis - les conflits entre Européens et Amérindiens et les brefs événements qu'on pourrait classer dans un «patriotisme canadien-français» : d'abord les événements des Patriotes de 1837-1838, mouvement nationaliste et libéral; ensuite les événements d'octobre 1970, mouvement nationaliste et marxiste-léniniste. Outre cela, le Québec vit dans un calme absolu et, disons-le, dans une relative prospérité. Si je n'étais pas Occidental, je n'emploierais même pas le terme relative.
Le Québec, quand je le compare aux États-Unis ou à certaines régions du Canada anglais, est un endroit très ouvert aux nouvelles idées. Certes, nous sommes d'une dépendance économique effarante (envers nos voisins du Sud), mais d'un plan empirique, les écarts entre riches et pauvres (quoique s'aggrandissant) ne sont pas si mal (qu'est-ce que signifie pas si mal d'un point de vue statistique? Je ne voudrais pas entrer dans un tel débat quantitatif qui ne mènerait nulle part).
Alors voilà, je suis né à un endroit et à une époque riche. Qui plus est, mes parents viennent de la classe moyenne supérieure et je semble reproduire le même schème de vie. Si je pouvais me fermer sur le monde, si je pouvais ne pas voir les excès de la modernité, si je pouvais ne pas voir qu'il y a plus de malades mentaux dans les rues que dans les institutions dans une ville riche comme Montréal, si je pouvais ne pas savoir que je fais partie des 5% de plus privilégiés dans le monde, si je pouvais m'imaginer qu'il est possible de maintenir notre mode de vie et qu'il ne s'agit que d'attendre que les autres nous rejoignent (un peu comme l'économiste Jeffrey Sachs semble le penser), si je pouvais croire que le confort économique n'est pas lié à ce que j'appelle les «maladies de la modernité» comme le suicide ou les problèmes alimentaires (anorexie, boulimie), si je pouvais n'avoir aucune conscience politique ou environnementale et ne pas voir que nous détruisons notre habitat, si je pouvais... finir cette phrase autrement...
Tout de même, lire un peu sur l'histoire de notre espèce est suffisant pour se rendre compte que je vis dans un espace-temps des plus calme, des plus pacifique et même des plus libéral qu'il n'y a jamais eu. J'entends déjà le contre-argument - parce que c'est habituellement moi qui le formule - comme quoi c'est plutôt un conservatisme économiste qui a envahi la planète depuis les deux chocs pétroliers, et que cet économisme a des répercussions sociales menant à une fermeture culturelle et par une baisse de la tolérance à la différence dans le monde entier. Tout cela est vrai, mais relativisons!
Je suis né en 1980 au Québec. Le Québec, c'est cette province canadienne qui, disons-le, n'a pratiquement connu aucun épisode politique violent dans son histoire, hormis - et ce sont quand même d'important hormis - les conflits entre Européens et Amérindiens et les brefs événements qu'on pourrait classer dans un «patriotisme canadien-français» : d'abord les événements des Patriotes de 1837-1838, mouvement nationaliste et libéral; ensuite les événements d'octobre 1970, mouvement nationaliste et marxiste-léniniste. Outre cela, le Québec vit dans un calme absolu et, disons-le, dans une relative prospérité. Si je n'étais pas Occidental, je n'emploierais même pas le terme relative.
Le Québec, quand je le compare aux États-Unis ou à certaines régions du Canada anglais, est un endroit très ouvert aux nouvelles idées. Certes, nous sommes d'une dépendance économique effarante (envers nos voisins du Sud), mais d'un plan empirique, les écarts entre riches et pauvres (quoique s'aggrandissant) ne sont pas si mal (qu'est-ce que signifie pas si mal d'un point de vue statistique? Je ne voudrais pas entrer dans un tel débat quantitatif qui ne mènerait nulle part).
Alors voilà, je suis né à un endroit et à une époque riche. Qui plus est, mes parents viennent de la classe moyenne supérieure et je semble reproduire le même schème de vie. Si je pouvais me fermer sur le monde, si je pouvais ne pas voir les excès de la modernité, si je pouvais ne pas voir qu'il y a plus de malades mentaux dans les rues que dans les institutions dans une ville riche comme Montréal, si je pouvais ne pas savoir que je fais partie des 5% de plus privilégiés dans le monde, si je pouvais m'imaginer qu'il est possible de maintenir notre mode de vie et qu'il ne s'agit que d'attendre que les autres nous rejoignent (un peu comme l'économiste Jeffrey Sachs semble le penser), si je pouvais croire que le confort économique n'est pas lié à ce que j'appelle les «maladies de la modernité» comme le suicide ou les problèmes alimentaires (anorexie, boulimie), si je pouvais n'avoir aucune conscience politique ou environnementale et ne pas voir que nous détruisons notre habitat, si je pouvais... finir cette phrase autrement...
dimanche 9 juillet 2006
La finale du Mundial et le nationalisme
Comme quelques centaines de millions de personne aujourd'hui, j'ai écouté le foot (ou soccer pour les Nord-Américains d'entre vous). Fan de sports. Oui, je le suis. Mais fan de foot, à vrai dire, je ne le suis qu'aux quatre ans, pour le Mundial. C'était donc aujourd'hui l'événement. Comment peut-on comprendre cette ferveur durant le mois qu'a duré le Mundial?
On peut en partie expliquer le tout par la ferveur nationaliste. Même le moins nationaliste des Français - s'il était partisan de foot bien sûr - était fier d'être Français au moment où se scandait la Marseillaise avant la finale aujourd'hui. Être nationaliste c'est cela. C'est être fier de son identité, i.e. être fier d'être, mais aussi et surtout être fier de ne pas être. On aime se définir par opposition à l'autre. Mais le Mundial de cette année donne une bonne leçon aux ultra-nationalistes ou aux partisans de Le Pen en France, car l'équipe des Bleus n'avait rien d'homogène. Elle était la France pluriculturelle, la France qui doit s'ouvrir sur le monde. Et par le fait même, le nationalisme en général en prend un coup, car appartenir à une nation est maintenant un concept extrêmement large. On se définira parfois selon la langue, parfois selon la «culture» (quoique ce concept peut tout englober), parfois selon l'origine ethnique, mais à chaque fois, on se incapable d'inclure tous et chacun.
Le Mundial a été la preuve que le nationalisme survit au XXIe siècle. On se sent encore attaché à notre nation, on se sent parfois attaché à plusieurs nations même ( phénomène nouveau mais qui prend de l'ampleur). Mais le nationalisme d'aujourd'hui doit se redéfiinir en terme d'ouverture à l'autre.
Fernand Dumont serait sans doute outré de voir comment on cherche à inclure n'importe qui et n'importe quoi à la «nation québécoise». Sa nation canadienne-française n'était peut-être pas inclusive, mais elle avait le mérite qu'on sache de qui on parlait quand on y faisait allusion. Cependant, les migrations en explosion dans le monde et les technologies s'améliorant sans cesse, on vit maintenant dans un enchevêtrement de peuple qui ne peuvent plus se définir de manière singulière. Cela crée des «citoyens du monde», mais cela crée aussi des gens qui se cherchent (en se demandant qui ils sont) et se perdent (en ne s'attachant à aucune culture particulière). Cela crée aussi un danger d'assimilation lente et passive d'un nombre très grand de culture. Mais c'est peut-être aussi cela l'ouverture à l'autre.
Le nationalisme! Quelle question complexe. C'est peut-être pour cela que j'évite de l'aborder dans mes textes d'opinion. J'ai moi-même peine à «me faire une tête» de manière claire sur le sujet. Le Mundial m'aura cette semaine ouvert l'esprit - malgré tout - sur la survivance des sentiments nationaux.
On peut en partie expliquer le tout par la ferveur nationaliste. Même le moins nationaliste des Français - s'il était partisan de foot bien sûr - était fier d'être Français au moment où se scandait la Marseillaise avant la finale aujourd'hui. Être nationaliste c'est cela. C'est être fier de son identité, i.e. être fier d'être, mais aussi et surtout être fier de ne pas être. On aime se définir par opposition à l'autre. Mais le Mundial de cette année donne une bonne leçon aux ultra-nationalistes ou aux partisans de Le Pen en France, car l'équipe des Bleus n'avait rien d'homogène. Elle était la France pluriculturelle, la France qui doit s'ouvrir sur le monde. Et par le fait même, le nationalisme en général en prend un coup, car appartenir à une nation est maintenant un concept extrêmement large. On se définira parfois selon la langue, parfois selon la «culture» (quoique ce concept peut tout englober), parfois selon l'origine ethnique, mais à chaque fois, on se incapable d'inclure tous et chacun.
Le Mundial a été la preuve que le nationalisme survit au XXIe siècle. On se sent encore attaché à notre nation, on se sent parfois attaché à plusieurs nations même ( phénomène nouveau mais qui prend de l'ampleur). Mais le nationalisme d'aujourd'hui doit se redéfiinir en terme d'ouverture à l'autre.
Fernand Dumont serait sans doute outré de voir comment on cherche à inclure n'importe qui et n'importe quoi à la «nation québécoise». Sa nation canadienne-française n'était peut-être pas inclusive, mais elle avait le mérite qu'on sache de qui on parlait quand on y faisait allusion. Cependant, les migrations en explosion dans le monde et les technologies s'améliorant sans cesse, on vit maintenant dans un enchevêtrement de peuple qui ne peuvent plus se définir de manière singulière. Cela crée des «citoyens du monde», mais cela crée aussi des gens qui se cherchent (en se demandant qui ils sont) et se perdent (en ne s'attachant à aucune culture particulière). Cela crée aussi un danger d'assimilation lente et passive d'un nombre très grand de culture. Mais c'est peut-être aussi cela l'ouverture à l'autre.
Le nationalisme! Quelle question complexe. C'est peut-être pour cela que j'évite de l'aborder dans mes textes d'opinion. J'ai moi-même peine à «me faire une tête» de manière claire sur le sujet. Le Mundial m'aura cette semaine ouvert l'esprit - malgré tout - sur la survivance des sentiments nationaux.
vendredi 7 juillet 2006
Un homme dans son cocon
Il serait ridicule de se sentir coupable de ne pas souffrir. Loin de moins l'intention de témoigner en ce sens. Mais si c'est vrai que la souffrance est nécessaire pour grandir, je suis encore bien petit.
Je me dis progressiste. Je crois en certaines valeurs humanistes. Je crois qu'il faille instaurer une meilleure répartition de la richesse sur cette planète, même si cela va nécessairement faire diminuer notre niveau de vie dans cet Occident qui vit au-dessus de ses moyens depuis au moins un demi-siècle. Mais tout cela n'est que cliché! Qui est en faveur de la pauvreté? Qui veut volontairement polluer son environnement? Qui veut volontairement faire souffrir ses proches? Personne de mentalement sain.
Alors qu'est-ce qu'être véritablement progressiste? Selon moi, être progressiste, c'est en partie être capable de parler de nos idéaux en les ayant nous-mêmes vécus. Qui, au Québec, peut véritablement parler de ce qu'est l'extrême pauvreté? Il semble tellement facile de se préoccuper des «pauvres» quand ceux-ci sont une notion abstraite inatteignable. Je ne connaîtrai aucun «pauvre» du Niger tant que je n'y mettrai pas les pieds.
Ainsi, j'ai l'impression qu'un réel progressiste, au Québec, est quelqu'un de sensibilisé aux situations extrêmes d'Afrique ou d'Amérique latine, mais surtout, c'est quelqu'un qui agit auprès de ceux et celles dans le besoin dans son propre environnement. C'est l'élément qu'on oublie souvent. À Trois-Rivières, un organisme communautaire comme COMSEP est progressiste , du peu que je connais de cet organisme, en agissant auprès des Trifluviens dans le besoin.
Revenons à mon cas. Un homme dans son cocon, c'est moi ça. Je ne me sentirai certainement pas coupable d'avoir grandi au sein d'une famille aisée, d'une famille avec de superbes valeurs. Je ne me sentirai pas coupable non plus de ne pas avoir vécu de grosses épreuves dans ma vie. Même la mort n'a encore jamais touché aucun de mes proches. Ça viendra, je le sais. Ce que je ne sais pas, c'est comment je réagirai à ce moment, n'ayant aucun antécédant de la sorte. Mais bon, c'est mon vécu et les hasards de la vie m'ont fait grandir dans ce cocon, dans cette surprotection involontaire. En fait, je n'ai à me sentir coupable de rien. J'ai eu une belle vie. Elle n'est pas finie et risque de continuer de la sorte je le sais bien et je me dois d'en faire profiter ceux qui n'ont pas cette même chance.
J'ai bien aimé l'idée derrière le film Pay it Forward. Cependant, la raison pour laquelle les gens n'agissent pas en «payant au suivant» la plupart du temps, c'est qu'ils ne s'arrêtent pas eux-mêmes pour réaliser que quelqu'un - consciemment ou non - a payé au suivant à son égard au préalable. Quelqu'un comme moi, qui a tout eu dans sa vie, est souvent porté à regarder ce qui lui manque encore plutôt que d'apprécier ce qu'il a. Quelqu'un comme moi peut même en venir à croire qu'on «lui doit quelque chose». Il tombe alors dans une attitude de retrait face à la différence, dans une attitude anti-progressiste (je n'emploierais pas le terme conservateur dans ce cas).
Je le disais dans ce même blog plus tôt cette semaine, être progressiste est exigeant. Cela demande beaucoup de travail. Dans mon cas, cela me demande pas nécessairement de souffrir, mais au moins de comprendre la souffrance. Ainsi, si je me préoccupe vraiment de la pauvreté dans les pays en voie de développement, pourquoi n'irais-je pas moi-même, visiter des autochtones - dans le sens «gens de la place» - (après avoir appris leur langue) en me souciant vraiment de ce qu'ils me disent?
Une étudiante que j'ai rencontré au collège cette année et que j'ai rencontré dans un bar de Trois-Rivières hier m'a fait (sans le vouloir) réfléchir. Elle revient du Guatemala où elle est allée «agir». Elle est allée vivre avec des Guatémaltèque. À partir d'aujourd'hui, elle peut vraiment dire qu'elle sait ce qu'est la pauvreté en Amérique latine. J'ai beau avoir un bagage théorique qu'elle n'a pas, elle a vécu la pauvreté, et ce même si elle provient d'un milieu aussi aisé que le mien. C'est cela être progressiste.
Être progressiste, selon la définition que j'en donne, n'est pas donné à tous. Ça nécessite d'abord une sensibilisation (c'est mon rôle en tant que prof d'agir auprès des jeunes de 17-20 ans sur cet aspect), et ensuite une action ici ou ailleurs (dépendant des causes qui nous tiennent à coeur). Cela va également au-delà de notre profession. Il faut que ce soit une attitude de recherche, d'ouverture à l'autre, d'ouverture à la connaissance, etc.
Je me dis progressiste. Je crois en certaines valeurs humanistes. Je crois qu'il faille instaurer une meilleure répartition de la richesse sur cette planète, même si cela va nécessairement faire diminuer notre niveau de vie dans cet Occident qui vit au-dessus de ses moyens depuis au moins un demi-siècle. Mais tout cela n'est que cliché! Qui est en faveur de la pauvreté? Qui veut volontairement polluer son environnement? Qui veut volontairement faire souffrir ses proches? Personne de mentalement sain.
Alors qu'est-ce qu'être véritablement progressiste? Selon moi, être progressiste, c'est en partie être capable de parler de nos idéaux en les ayant nous-mêmes vécus. Qui, au Québec, peut véritablement parler de ce qu'est l'extrême pauvreté? Il semble tellement facile de se préoccuper des «pauvres» quand ceux-ci sont une notion abstraite inatteignable. Je ne connaîtrai aucun «pauvre» du Niger tant que je n'y mettrai pas les pieds.
Ainsi, j'ai l'impression qu'un réel progressiste, au Québec, est quelqu'un de sensibilisé aux situations extrêmes d'Afrique ou d'Amérique latine, mais surtout, c'est quelqu'un qui agit auprès de ceux et celles dans le besoin dans son propre environnement. C'est l'élément qu'on oublie souvent. À Trois-Rivières, un organisme communautaire comme COMSEP est progressiste , du peu que je connais de cet organisme, en agissant auprès des Trifluviens dans le besoin.
Revenons à mon cas. Un homme dans son cocon, c'est moi ça. Je ne me sentirai certainement pas coupable d'avoir grandi au sein d'une famille aisée, d'une famille avec de superbes valeurs. Je ne me sentirai pas coupable non plus de ne pas avoir vécu de grosses épreuves dans ma vie. Même la mort n'a encore jamais touché aucun de mes proches. Ça viendra, je le sais. Ce que je ne sais pas, c'est comment je réagirai à ce moment, n'ayant aucun antécédant de la sorte. Mais bon, c'est mon vécu et les hasards de la vie m'ont fait grandir dans ce cocon, dans cette surprotection involontaire. En fait, je n'ai à me sentir coupable de rien. J'ai eu une belle vie. Elle n'est pas finie et risque de continuer de la sorte je le sais bien et je me dois d'en faire profiter ceux qui n'ont pas cette même chance.
J'ai bien aimé l'idée derrière le film Pay it Forward. Cependant, la raison pour laquelle les gens n'agissent pas en «payant au suivant» la plupart du temps, c'est qu'ils ne s'arrêtent pas eux-mêmes pour réaliser que quelqu'un - consciemment ou non - a payé au suivant à son égard au préalable. Quelqu'un comme moi, qui a tout eu dans sa vie, est souvent porté à regarder ce qui lui manque encore plutôt que d'apprécier ce qu'il a. Quelqu'un comme moi peut même en venir à croire qu'on «lui doit quelque chose». Il tombe alors dans une attitude de retrait face à la différence, dans une attitude anti-progressiste (je n'emploierais pas le terme conservateur dans ce cas).
Je le disais dans ce même blog plus tôt cette semaine, être progressiste est exigeant. Cela demande beaucoup de travail. Dans mon cas, cela me demande pas nécessairement de souffrir, mais au moins de comprendre la souffrance. Ainsi, si je me préoccupe vraiment de la pauvreté dans les pays en voie de développement, pourquoi n'irais-je pas moi-même, visiter des autochtones - dans le sens «gens de la place» - (après avoir appris leur langue) en me souciant vraiment de ce qu'ils me disent?
Une étudiante que j'ai rencontré au collège cette année et que j'ai rencontré dans un bar de Trois-Rivières hier m'a fait (sans le vouloir) réfléchir. Elle revient du Guatemala où elle est allée «agir». Elle est allée vivre avec des Guatémaltèque. À partir d'aujourd'hui, elle peut vraiment dire qu'elle sait ce qu'est la pauvreté en Amérique latine. J'ai beau avoir un bagage théorique qu'elle n'a pas, elle a vécu la pauvreté, et ce même si elle provient d'un milieu aussi aisé que le mien. C'est cela être progressiste.
Être progressiste, selon la définition que j'en donne, n'est pas donné à tous. Ça nécessite d'abord une sensibilisation (c'est mon rôle en tant que prof d'agir auprès des jeunes de 17-20 ans sur cet aspect), et ensuite une action ici ou ailleurs (dépendant des causes qui nous tiennent à coeur). Cela va également au-delà de notre profession. Il faut que ce soit une attitude de recherche, d'ouverture à l'autre, d'ouverture à la connaissance, etc.
mercredi 5 juillet 2006
Pour un Québec visionnaire
Les constats ont été faits par les lucides et les solidaires. Dans les deux cas, on conclue qu’il est urgent d’agir. D’une part, il faut agir pour que le Québec puisse être compétitif pour répondre aux aléas de la mondialisation. C’est une vision tristement économiste, mais tout de même partiellement réaliste dans un contexte néolibéral comme le nôtre. D’autre part, il faut agir pour enrayer la pauvreté, pour organiser socialement et politiquement le Québec…et aussi, pour unir (à moins que ce ne soit «créer»?) une gauche au Québec. Encore une fois un beau et essentiel discours qui ne servira pourtant qu’à éveiller les insomniaques. Des conflits idéologiques entre la gauche et la droite doivent toujours exister afin d’assurer un certain dynamisme aux débats politiques. Mais certaines questions sociales et économiques suffisamment débattues ne peuvent maintenant plus être remises à plus tard.
Qui ne reconnaît pas le choc démographique qui frappera de plein fouet le Québec d’ici cinq ans? Qui ne reconnaît pas les problèmes écologiques actuels qui ne demandent pas des réformes gouvernementales, mais tout simplement une révolution dans la façon de gouverner? Qui ne reconnaît pas que le système électoral est déficient, voire anti-démocratique? Voici trois problèmes criants et reconnus à la grandeur de la société, toute tendance idéologique confondue.
Demandez à n’importe quel politicien s’il est facile de prendre des décisions, d’instaurer de nouvelles lois, d’apporter des changements structuraux à la société et il vous répondra que de gérer une municipalité, une province ou un pays demande du temps. Dépendamment de son appartenance idéologique, il vous répondra peut-être que la lourdeur bureaucratique rend les choses complexes et longues à régler; ou encore que le système tel qu’il est ne favorise pas l’apparition d’idées nouvelles. Mais ici le problème est tout autre. Le problème est le manque volontaire de vision des trois principaux partis politiques au Québec (tenons-nous en à la scène provinciale). Il faut certainement applaudir les initiatives pré-électorales du gouvernement Charest en matière environnementale, mais elles restent insuffisantes et conjoncturelles. Il faut mettre en place un plan à long terme. Il faut une vision de ce que seront les familles québécoises en 2020, une vision de ce que sera l’écosystème québécois en 2050, une vision de ce que pourraient être les préoccupations des futurs électeurs qui commençaient leur première année du primaire cette année.
Les gouvernements sont élus pour quatre années et ils gouvernent en conséquence. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, en exagérant à peine, on croirait revoir les plans quinquennaux soviétiques. Pourtant (est-ce trop évident?), aucune économie et aucune société ne peuvent se planifier sur une si courte période. À quand un parti politique au Québec qui proposera un programme visionnaire? Messieurs Charest, Boisclair et Dumont, j’attends votre réponse. Les élections s’en viennent.
Qui ne reconnaît pas le choc démographique qui frappera de plein fouet le Québec d’ici cinq ans? Qui ne reconnaît pas les problèmes écologiques actuels qui ne demandent pas des réformes gouvernementales, mais tout simplement une révolution dans la façon de gouverner? Qui ne reconnaît pas que le système électoral est déficient, voire anti-démocratique? Voici trois problèmes criants et reconnus à la grandeur de la société, toute tendance idéologique confondue.
Demandez à n’importe quel politicien s’il est facile de prendre des décisions, d’instaurer de nouvelles lois, d’apporter des changements structuraux à la société et il vous répondra que de gérer une municipalité, une province ou un pays demande du temps. Dépendamment de son appartenance idéologique, il vous répondra peut-être que la lourdeur bureaucratique rend les choses complexes et longues à régler; ou encore que le système tel qu’il est ne favorise pas l’apparition d’idées nouvelles. Mais ici le problème est tout autre. Le problème est le manque volontaire de vision des trois principaux partis politiques au Québec (tenons-nous en à la scène provinciale). Il faut certainement applaudir les initiatives pré-électorales du gouvernement Charest en matière environnementale, mais elles restent insuffisantes et conjoncturelles. Il faut mettre en place un plan à long terme. Il faut une vision de ce que seront les familles québécoises en 2020, une vision de ce que sera l’écosystème québécois en 2050, une vision de ce que pourraient être les préoccupations des futurs électeurs qui commençaient leur première année du primaire cette année.
Les gouvernements sont élus pour quatre années et ils gouvernent en conséquence. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, en exagérant à peine, on croirait revoir les plans quinquennaux soviétiques. Pourtant (est-ce trop évident?), aucune économie et aucune société ne peuvent se planifier sur une si courte période. À quand un parti politique au Québec qui proposera un programme visionnaire? Messieurs Charest, Boisclair et Dumont, j’attends votre réponse. Les élections s’en viennent.
Du terrorisme à la paranoïa
Texte publié dans Le Devoir du 28 juin 2006 http://www.ledevoir.com/2006/06/28/112507.html
À quoi sert l’histoire? À quoi sert-elle dans ce monde de l’efficience et de la sur-information, dans ce monde subissant la dictature des nécessités du présent? Certains répondront à juste titre que l’histoire permet d’apprendre à mieux se connaître, comme individu ou collectivité, à travers les différentes interprétations du passé. Elle permet aux historiens, professionnels comme amateurs, d’acquérir des méthodes de travail extrêmement riches et de développer un esprit critique ouvrant la porte à l’exercice lucide de son rôle de citoyen. Certains ajouteront aussi que l’histoire nous permet d’apprendre de nos erreurs! Est-ce un cliché absurde que de présenter les choses de cette façon? Si l’humanité apprend de ses erreurs, comment expliquer qu’il y ait eu une «deuxième» guerre mondiale? Comment expliquer que les abus du capitalisme sauvage dans l’Angleterre du 19e siècle semblent se répéter dans l’Asie du sud-est contemporaine? Comment expliquer qu’après le Rwanda il y ait le Darfour?
C’est le même questionnement qui se pose dans le cas de la guerre au terrorisme amorcée officiellement en Occident le 11 septembre 2001. En ce sens, n’y a-t-il pas des parallèles étroits pouvant être faits entre la crainte du terroriste et celle du communiste aux États-Unis au temps de la Guerre froide? Le mccarthyisme (1950-1953), du nom du sénateur Joseph McCarthy qui l’avait initié, était un programme visant à lutter contre les activités dites antiaméricaines. Toute personne soupçonnée d’entretenir des liens avec le communisme voyait alors sa carrière ou réputation ruinée. Charlie Chaplin était un de ceux qui avaient dû s’exiler en Europe à cette période pour fuir cette «chasse aux sorcières». L’idée de liberté de pensée était complètement bafouée comme il semble que ce soit le cas de manière beaucoup plus importante et à l’échelle de tout l’Occident aujourd’hui. Loin de moi l’idée de vouloir jouer au négationniste comme l’a aussi maladroitement fait le porte-parole de Québec solidaire Amir Khadir il y a quelque temps. L’islamisme existe et il fait réellement de nombreuses victimes. Il prend une ampleur considérable, recrutant de nombreux fanatiques en Arabie Saoudite, en Tchétchénie, en Afghanistan, au Pakistan et maintenant en Irak. Il est très improbable, voire impossible, que les attentats du 11 septembre soient le résultat d’un coup monté étasunien ou occidental. Cependant, il faut davantage se questionner sur les raisons de cette émancipation aussi soudaine de cette forme de radicalisme.
Le terrorisme islamiste se présente d’abord comme une réponse à deux catastrophes meurtrières : la pauvreté et la guerre. Les leaders islamistes profitent de la vulnérabilité de populations entières pour recruter de nouveaux membres, même femmes et enfants. Devant une vie misérable et sans perspective d’avenir, l’islamisme radical, ses projets et sa vision du monde deviennent parfois la lueur d’espoir attendue depuis une vie entière. Un jeune Afghan de mon âge (26 ans) aura connu une guerre contre l’Union soviétique (1979-1989), une prise de pouvoir des Talibans appuyés par les États-Unis (1996) et leur chute cinq années plus tard (sous les bombes étasuniennes cette fois!). Enfin, depuis ce temps, il aura connu l’occupation étrangère. Quant à un jeune Irakien de mon âge, il aura vécu son premier quart de siècle sous le régime autoritaire de Saddam Hussein et aura connu trois guerres s’étalant sur douze années en tout. N’est-ce pas là les conditions rêvées pour créer des berceaux du terrorisme? L’équation est facile à résoudre. Plus les populations se sentent opprimées et plus il devient probable que les effectifs islamistes augmentent. Selon cette logique, les interventions militaires en Afghanistan et en Irak participent beaucoup plus à l’enveniment du problème qu’à son règlement. Selon cette logique, surtout, l’installation d’une paranoïa collective dans nos populations nord-américaines et européennes participent à l’augmentation du racisme, des préjugés et de l’incompréhension généralisée. Toute personne parlant l’arabe devient alors une menace. Tout musulman devient alors une menace. Et, au Canada entre autres, toute intervention militaire dans «ces pays-là» devient légitime.
Évidemment, analyser les erreurs du passé n’immunise pas contre leur récurrence possible. Qui plus est, analyser les erreurs du passé, c’est en faire une interprétation subjective (donc biaisée) et nécessairement critiquable. Cependant, l’histoire peut nous éclairer. L’histoire nous démontre à quel point il fut dangereux par le passé de faire quelque chasse aux sorcières que ce soit. À une certaine époque, des gouvernements ont voulu faire croire que de méchants communistes infiltraient le «monde libre» dans le but de le détruire. Aujourd’hui encore, la liberté et la tolérance caractéristique du Canada sont menacées par les campagnes de peur attirant la paranoïa collective. N’oublions pas que le mot «terrorisme» signifie «engendrer un climat d’insécurité et de terreur» et que d’adopter une attitude de repli face à la différence, c’est s’avouer vaincu face aux terroristes. Sans nier la gravité du problème du terrorisme international, peut-être faudrait-il s’ouvrir les yeux sur ses causes véritables afin d’agir à vraiment le combattre.
À quoi sert l’histoire? À quoi sert-elle dans ce monde de l’efficience et de la sur-information, dans ce monde subissant la dictature des nécessités du présent? Certains répondront à juste titre que l’histoire permet d’apprendre à mieux se connaître, comme individu ou collectivité, à travers les différentes interprétations du passé. Elle permet aux historiens, professionnels comme amateurs, d’acquérir des méthodes de travail extrêmement riches et de développer un esprit critique ouvrant la porte à l’exercice lucide de son rôle de citoyen. Certains ajouteront aussi que l’histoire nous permet d’apprendre de nos erreurs! Est-ce un cliché absurde que de présenter les choses de cette façon? Si l’humanité apprend de ses erreurs, comment expliquer qu’il y ait eu une «deuxième» guerre mondiale? Comment expliquer que les abus du capitalisme sauvage dans l’Angleterre du 19e siècle semblent se répéter dans l’Asie du sud-est contemporaine? Comment expliquer qu’après le Rwanda il y ait le Darfour?
C’est le même questionnement qui se pose dans le cas de la guerre au terrorisme amorcée officiellement en Occident le 11 septembre 2001. En ce sens, n’y a-t-il pas des parallèles étroits pouvant être faits entre la crainte du terroriste et celle du communiste aux États-Unis au temps de la Guerre froide? Le mccarthyisme (1950-1953), du nom du sénateur Joseph McCarthy qui l’avait initié, était un programme visant à lutter contre les activités dites antiaméricaines. Toute personne soupçonnée d’entretenir des liens avec le communisme voyait alors sa carrière ou réputation ruinée. Charlie Chaplin était un de ceux qui avaient dû s’exiler en Europe à cette période pour fuir cette «chasse aux sorcières». L’idée de liberté de pensée était complètement bafouée comme il semble que ce soit le cas de manière beaucoup plus importante et à l’échelle de tout l’Occident aujourd’hui. Loin de moi l’idée de vouloir jouer au négationniste comme l’a aussi maladroitement fait le porte-parole de Québec solidaire Amir Khadir il y a quelque temps. L’islamisme existe et il fait réellement de nombreuses victimes. Il prend une ampleur considérable, recrutant de nombreux fanatiques en Arabie Saoudite, en Tchétchénie, en Afghanistan, au Pakistan et maintenant en Irak. Il est très improbable, voire impossible, que les attentats du 11 septembre soient le résultat d’un coup monté étasunien ou occidental. Cependant, il faut davantage se questionner sur les raisons de cette émancipation aussi soudaine de cette forme de radicalisme.
Le terrorisme islamiste se présente d’abord comme une réponse à deux catastrophes meurtrières : la pauvreté et la guerre. Les leaders islamistes profitent de la vulnérabilité de populations entières pour recruter de nouveaux membres, même femmes et enfants. Devant une vie misérable et sans perspective d’avenir, l’islamisme radical, ses projets et sa vision du monde deviennent parfois la lueur d’espoir attendue depuis une vie entière. Un jeune Afghan de mon âge (26 ans) aura connu une guerre contre l’Union soviétique (1979-1989), une prise de pouvoir des Talibans appuyés par les États-Unis (1996) et leur chute cinq années plus tard (sous les bombes étasuniennes cette fois!). Enfin, depuis ce temps, il aura connu l’occupation étrangère. Quant à un jeune Irakien de mon âge, il aura vécu son premier quart de siècle sous le régime autoritaire de Saddam Hussein et aura connu trois guerres s’étalant sur douze années en tout. N’est-ce pas là les conditions rêvées pour créer des berceaux du terrorisme? L’équation est facile à résoudre. Plus les populations se sentent opprimées et plus il devient probable que les effectifs islamistes augmentent. Selon cette logique, les interventions militaires en Afghanistan et en Irak participent beaucoup plus à l’enveniment du problème qu’à son règlement. Selon cette logique, surtout, l’installation d’une paranoïa collective dans nos populations nord-américaines et européennes participent à l’augmentation du racisme, des préjugés et de l’incompréhension généralisée. Toute personne parlant l’arabe devient alors une menace. Tout musulman devient alors une menace. Et, au Canada entre autres, toute intervention militaire dans «ces pays-là» devient légitime.
Évidemment, analyser les erreurs du passé n’immunise pas contre leur récurrence possible. Qui plus est, analyser les erreurs du passé, c’est en faire une interprétation subjective (donc biaisée) et nécessairement critiquable. Cependant, l’histoire peut nous éclairer. L’histoire nous démontre à quel point il fut dangereux par le passé de faire quelque chasse aux sorcières que ce soit. À une certaine époque, des gouvernements ont voulu faire croire que de méchants communistes infiltraient le «monde libre» dans le but de le détruire. Aujourd’hui encore, la liberté et la tolérance caractéristique du Canada sont menacées par les campagnes de peur attirant la paranoïa collective. N’oublions pas que le mot «terrorisme» signifie «engendrer un climat d’insécurité et de terreur» et que d’adopter une attitude de repli face à la différence, c’est s’avouer vaincu face aux terroristes. Sans nier la gravité du problème du terrorisme international, peut-être faudrait-il s’ouvrir les yeux sur ses causes véritables afin d’agir à vraiment le combattre.
L'angoisse de l'intellectuel
Encore aujourd'hui j'ai peine à me décrire comme intellectuel. Ou peut-être ai-je peur de le faire, considérant les obligations que cela amène.
L'intellectualisme - mais c'est aussi le cas du sport - naît et prend de l'ampleur dans les sociétés où une tranche de la population peut se permettre une certaine inactivité, voire une certaine oisiveté. Le confort de la société post-industrielle permet à plusieurs d'entre mes pairs (disons Québécois dans la vingtaine) de se consacrer aux études.
Mais tout cela n'est que fiction. Prenons l'exemple d'une personne âgée pour qui les études signifiaient la libération, pour qui l'université a été synonyme d'éclosion de la société québécoise quand son accès fut libéralisé (révolution tranquille). Pour cette personne, un universitaire comme moi est nécessairement un mystérieux personnage qui détient un savoir inaccessible, qui détient entre autres le pouvoir d'agir sur la société. Ok, je vous l'accorde, j'exagère quelque peu. Mais c'est peut-être que cette relation de respect des études est inconsciente. Peu importe, je m'égare...
Reprenons... Contrairement à ce qu'une personne n'ayant pas eu l'accès aux études peut penser, l'université à elle-seule (surtout celle du XXIe siècle) ne libère pas. Elle ouvre des portes sur le marché du travail c'est indéniable. Mais elle ne produit que des intellectuels passifs. Définition d'intellectuel passif : personne avec la capacité de savoir, qui parfois sait, mais qui préfère l'ignorance et l'inaction. Passer de la passivité à l'activité intellectuel demande un effort «surhumain» dirait Nietzsche. Mais c'est pourtant mon défi.
J'ai beaucoup étudié. Je suis devenu un intellectuel prêt à l'action. Mais le temps est maintenant venu de quitter mon inaction. Je sais que je suis sévère envers moi-même. Je n'accepte plus la perte de temps. C'en est maladif. Et pourtant...la peur de perdre son temps est une maladie de l'industrialisation, une maladie faisant de l'homme des automates. En me battant pour ne pas perdre mon temps, je me demande parfois si je ne me bats pas pour que la machine en moi domine. D'accord...je m'égare encore...
Alors oui, je suis prêt à l'action. Mais qu'est-ce qu'agir? Je suis trop sévère envers moi-même et c'est vrai. À 26 ans j'enseigne déjà dans un collège, j'écris régulièrement des articles dans le journal régional et parfois certains dans un journal national. Je participe à des congrès, colloques, activités parascolaires. Ne suis-je pas le modèle de l'intellectuel actif? D'un oeil extérieur certainement. Mais en même temps, l'intellectuel actif n'est pas celui qui fait des choses à sa portée. Développer mon talent pour la composition d'article sur l'actualité est quelque chose que j'ai fait - quoique je continue à développer mes habiletés. Mais j'ai maintenant besoin d'un nouveau défi. L'enseignement est un défi incroyable. Je peux influencer des centaines d'étudiants par mes simples paroles. C'est un superbe pouvoir... Mais pourtant, il me semble que c'est insuffisant...
Pourquoi suis-je aussi sévère? Parce que j'ai l'angoisse de l'intellectuel. Cette angoisse est la peur de l'absence de défi. Qu'est-ce qu'un intellectuel sans défi? C'est un être d'une inutilité catastrophique. Et je sens que je réalise (peut-être trop rapidement?) mes défis et ai de la difficulté à les remplacer par de nouveaux.
Des yeux d'un non-intellectuel, je suis peut-être déjà cet être inactif, inutile. Inactif je le suis assurément cet été. «Que fais-tu Daniel cet été?» «Oh! Tu sais, je travaille sur mon mémoire de maîtrise et je prépare mes cours pour l'automne.» Ah bon! Trois mois pour ça!! Qu'est-ce que ça fait dans la vie quelqu'un qui travaille sur son mémoire de maîtrise? Pour un non-intellectuel, la distinction entre l'inactivité complète et l'inactivité manuelle et physique est parfois difficile à juger. Je dois donc me convaincre moi-même que ce que je fais cet été est utile, et je le crois. Je lis beaucoup. J'écris beaucoup. Je développe des idées. Je développe une pensée critique. Je deviens un intellectuel prêt à l'action. Un jour ça rapportera. Un jour je serai l'intellectuel actif qui enseigne de manière compétente (ce que je ne prétends pas encore faire). Un jour je serai un acteur de premier plan de la société québécoise (ce que je suis loin d'être pour le moment). Mais encore une fois, c'est un peu n'importe quoi!
Je serai compétent que je ne m'en rendrai pas compte, car l'angoisse de l'intellectuel m'obligera à me fixer de nouveaux défis plus ambitieux. Et de toute façon, cette façon de penser m'oblige à l'éternelle insatisfaction.
Qu'est-ce que la solution?
- M'entourer d'un réseau qui encourage l'intellectualisme, le valorise, mais sans snobisme vis-à-vis la culture populaire (ouf! ça c'est difficile). En d'autres termes, refuser de devenir un gau-gauche caviar. Devenir un réel progressiste agissant en concordance avec ses idées.
- Refuser toute stagnation intellectuelle en me fixant des objectifs difficilement réalisables - c'est-à-dire m'obligeant à me dépasser - à court et moyen terme.
- Tourner davantage ma pensée vers une praxis. L'action! Par la diffusion des idées!
L'intellectualisme - mais c'est aussi le cas du sport - naît et prend de l'ampleur dans les sociétés où une tranche de la population peut se permettre une certaine inactivité, voire une certaine oisiveté. Le confort de la société post-industrielle permet à plusieurs d'entre mes pairs (disons Québécois dans la vingtaine) de se consacrer aux études.
Mais tout cela n'est que fiction. Prenons l'exemple d'une personne âgée pour qui les études signifiaient la libération, pour qui l'université a été synonyme d'éclosion de la société québécoise quand son accès fut libéralisé (révolution tranquille). Pour cette personne, un universitaire comme moi est nécessairement un mystérieux personnage qui détient un savoir inaccessible, qui détient entre autres le pouvoir d'agir sur la société. Ok, je vous l'accorde, j'exagère quelque peu. Mais c'est peut-être que cette relation de respect des études est inconsciente. Peu importe, je m'égare...
Reprenons... Contrairement à ce qu'une personne n'ayant pas eu l'accès aux études peut penser, l'université à elle-seule (surtout celle du XXIe siècle) ne libère pas. Elle ouvre des portes sur le marché du travail c'est indéniable. Mais elle ne produit que des intellectuels passifs. Définition d'intellectuel passif : personne avec la capacité de savoir, qui parfois sait, mais qui préfère l'ignorance et l'inaction. Passer de la passivité à l'activité intellectuel demande un effort «surhumain» dirait Nietzsche. Mais c'est pourtant mon défi.
J'ai beaucoup étudié. Je suis devenu un intellectuel prêt à l'action. Mais le temps est maintenant venu de quitter mon inaction. Je sais que je suis sévère envers moi-même. Je n'accepte plus la perte de temps. C'en est maladif. Et pourtant...la peur de perdre son temps est une maladie de l'industrialisation, une maladie faisant de l'homme des automates. En me battant pour ne pas perdre mon temps, je me demande parfois si je ne me bats pas pour que la machine en moi domine. D'accord...je m'égare encore...
Alors oui, je suis prêt à l'action. Mais qu'est-ce qu'agir? Je suis trop sévère envers moi-même et c'est vrai. À 26 ans j'enseigne déjà dans un collège, j'écris régulièrement des articles dans le journal régional et parfois certains dans un journal national. Je participe à des congrès, colloques, activités parascolaires. Ne suis-je pas le modèle de l'intellectuel actif? D'un oeil extérieur certainement. Mais en même temps, l'intellectuel actif n'est pas celui qui fait des choses à sa portée. Développer mon talent pour la composition d'article sur l'actualité est quelque chose que j'ai fait - quoique je continue à développer mes habiletés. Mais j'ai maintenant besoin d'un nouveau défi. L'enseignement est un défi incroyable. Je peux influencer des centaines d'étudiants par mes simples paroles. C'est un superbe pouvoir... Mais pourtant, il me semble que c'est insuffisant...
Pourquoi suis-je aussi sévère? Parce que j'ai l'angoisse de l'intellectuel. Cette angoisse est la peur de l'absence de défi. Qu'est-ce qu'un intellectuel sans défi? C'est un être d'une inutilité catastrophique. Et je sens que je réalise (peut-être trop rapidement?) mes défis et ai de la difficulté à les remplacer par de nouveaux.
Des yeux d'un non-intellectuel, je suis peut-être déjà cet être inactif, inutile. Inactif je le suis assurément cet été. «Que fais-tu Daniel cet été?» «Oh! Tu sais, je travaille sur mon mémoire de maîtrise et je prépare mes cours pour l'automne.» Ah bon! Trois mois pour ça!! Qu'est-ce que ça fait dans la vie quelqu'un qui travaille sur son mémoire de maîtrise? Pour un non-intellectuel, la distinction entre l'inactivité complète et l'inactivité manuelle et physique est parfois difficile à juger. Je dois donc me convaincre moi-même que ce que je fais cet été est utile, et je le crois. Je lis beaucoup. J'écris beaucoup. Je développe des idées. Je développe une pensée critique. Je deviens un intellectuel prêt à l'action. Un jour ça rapportera. Un jour je serai l'intellectuel actif qui enseigne de manière compétente (ce que je ne prétends pas encore faire). Un jour je serai un acteur de premier plan de la société québécoise (ce que je suis loin d'être pour le moment). Mais encore une fois, c'est un peu n'importe quoi!
Je serai compétent que je ne m'en rendrai pas compte, car l'angoisse de l'intellectuel m'obligera à me fixer de nouveaux défis plus ambitieux. Et de toute façon, cette façon de penser m'oblige à l'éternelle insatisfaction.
Qu'est-ce que la solution?
- M'entourer d'un réseau qui encourage l'intellectualisme, le valorise, mais sans snobisme vis-à-vis la culture populaire (ouf! ça c'est difficile). En d'autres termes, refuser de devenir un gau-gauche caviar. Devenir un réel progressiste agissant en concordance avec ses idées.
- Refuser toute stagnation intellectuelle en me fixant des objectifs difficilement réalisables - c'est-à-dire m'obligeant à me dépasser - à court et moyen terme.
- Tourner davantage ma pensée vers une praxis. L'action! Par la diffusion des idées!
mardi 4 juillet 2006
Parler des États-Unis, un tabou?
Ce texte est une réponse à la critique de mon article États-Unis : de la prospérité d'hier à l'endettement de demain publié dans Le Nouvelliste du 20 mars 2006. Vous pouvez lire cette critique sur le blog de David Descôteaux http://daviddescoteaux.blogspot.com/.
En date du 27 mars, David Descôteaux répondait brillamment à mon article écrit une semaine plus tôt sur les risques de crise économique aux États-Unis d’Amérique. Entre autres choses, il me répondait avec justesse que «les exportations des États-Unis vers la Chine ont […] doublé entre 1999 et 2005» et que l’économie étasunienne était bien en vie. Il allait toutefois trop loin en soulignant qu’au fond, la dette américaine n’était aucunement symptomatique d’une crise à venir.
En Occident, les ménages s’avèrent être essentiels pour stimuler l’économie par leur rythme effréné de consommation. En parlant de dette dans Le Nouvelliste du 20 mars dernier, je signalais clairement le fait que c’était justement celles des ménages américains dont il fallait se préoccuper, non seulement du déficit commercial comme le sous-entend M. Descôteaux. En ce qui a trait à la dette du Québec de manière spécifique, aux dires de M. Descôteaux, on obtient «122% du PIB [du Québec] en cumulant sa dette provinciale et sa part de la dette fédérale». Quelle est la crédibilité d’un tel argument qui ne tient pas également compte de la part des revenus fédéraux? Il ne faudrait pas manipuler les chiffres de façon trop simpliste quand même. Quant à la chute du dollar américain, non seulement elle est probable, mais elle est déjà amorcée. Plus de 40% de chute par rapport à l’euro depuis la création de cette devise.
M. Descôteaux croit que «les États-Unis demeureront une superpuissance pour encore longtemps». Débattre de ce qu’est une superpuissance nous mène directement au domaine de l’interprétation et il est peu pertinent de faire un débat conceptuel. Par contre, il est tout à fait anachronique de cultiver le mythe d’une croissance économique illimité de l’Occident. Comme si les États-Unis et l’Europe n’avaient pas créé leur richesse – qu’on parle de colonialisme ou de néocolonialisme – sur le dos des pays tiers-mondistes tout au long des 19e et 20e siècles. Comme si la richesse se créait de rien, un peu comme Adam Smith le pensait lors de la naissance de la révolution industrielle dans son Écosse du 18e siècle. En réalité M. Descôteaux, quand la croissance illimitée apparaît, elle porte le nom de spéculation et est présage de crise (Vienne 1873, Wall Street 1929, Asie 1997).
Peut-on, au Québec, parler contre des politiques étasunienne sans se faire soupçonner d’antiaméricanisme? Faut-il minimiser nos propos chaque fois qu’on critique une intervention militaire, une politique sociale ou une politique économique de nos voisins du sud? Mon article traitait de l’économie des États-Unis et j’en profitais pour effleurer d’autres problèmes qui frappent le pays (pauvreté, racisme). Non, je n’ai pas parlé des paysans chinois qui (sur)vivent avec trois fois moins de revenus que leurs concitoyens des villes; ni des Noirs d’Afrique du Sud qui vivent toujours les effets socio-économiques de l’apartheid. Oui, j’aurais pu souligner que d’autres pays (comme la France) ont des politiques d’intégration des immigrants complètement pitoyables; ou que le Québec connaît aussi, à sa façon, des problèmes liés à la pauvreté, à l’accès aux logements ou à l’intégration des immigrants. Cependant, il ne s’agissait pas là de mon propos et j’espère que M. Descôteaux saura le remarquer à sa deuxième lecture de mon article.
Oh! Dernier détail. M. Descôteaux met le problème des écarts de richesse sur le dos des «bureaucrates corrompus qui s’en mettent plein les poches». Il est beau de voir d’honnêtes citoyens dénoncer des abus de la sorte, mais il est surtout surprenant de voir comment une position idéologique peut entraîner des interprétations superficielles d’un problème aussi complexe que celui de la pauvreté. Pourquoi ne pas plutôt cibler les politiques conservatrices entreprises depuis les crises du pétrole des années soixante-dix (par les gouvernements Thatcher, Reagan, Mulroney entre autres) comme créatrices des conditions nécessaires à la désagrégation de la classe moyenne en Occident? Et c’est maintenant la suprématie de l’idéologie néolibérale à travers tout le globe (programmes d’ajustement structurel; ouvertures inconditionnelles des frontières) – la «fin de l’Histoire» dirait Fukuyama? – qui provoque l’accroissement de la misère dans les pays dits en voie de développement ainsi qu’une walmartisation des conditions de travail en Occident. Vous savez M. Descôteaux, je n’accuse pas les États-Unis de tous ces maux. Cependant, vous devrez admettre que la droite conservatrice au pouvoir depuis 2001 n’est pas étrangère à tout cela.
En date du 27 mars, David Descôteaux répondait brillamment à mon article écrit une semaine plus tôt sur les risques de crise économique aux États-Unis d’Amérique. Entre autres choses, il me répondait avec justesse que «les exportations des États-Unis vers la Chine ont […] doublé entre 1999 et 2005» et que l’économie étasunienne était bien en vie. Il allait toutefois trop loin en soulignant qu’au fond, la dette américaine n’était aucunement symptomatique d’une crise à venir.
En Occident, les ménages s’avèrent être essentiels pour stimuler l’économie par leur rythme effréné de consommation. En parlant de dette dans Le Nouvelliste du 20 mars dernier, je signalais clairement le fait que c’était justement celles des ménages américains dont il fallait se préoccuper, non seulement du déficit commercial comme le sous-entend M. Descôteaux. En ce qui a trait à la dette du Québec de manière spécifique, aux dires de M. Descôteaux, on obtient «122% du PIB [du Québec] en cumulant sa dette provinciale et sa part de la dette fédérale». Quelle est la crédibilité d’un tel argument qui ne tient pas également compte de la part des revenus fédéraux? Il ne faudrait pas manipuler les chiffres de façon trop simpliste quand même. Quant à la chute du dollar américain, non seulement elle est probable, mais elle est déjà amorcée. Plus de 40% de chute par rapport à l’euro depuis la création de cette devise.
M. Descôteaux croit que «les États-Unis demeureront une superpuissance pour encore longtemps». Débattre de ce qu’est une superpuissance nous mène directement au domaine de l’interprétation et il est peu pertinent de faire un débat conceptuel. Par contre, il est tout à fait anachronique de cultiver le mythe d’une croissance économique illimité de l’Occident. Comme si les États-Unis et l’Europe n’avaient pas créé leur richesse – qu’on parle de colonialisme ou de néocolonialisme – sur le dos des pays tiers-mondistes tout au long des 19e et 20e siècles. Comme si la richesse se créait de rien, un peu comme Adam Smith le pensait lors de la naissance de la révolution industrielle dans son Écosse du 18e siècle. En réalité M. Descôteaux, quand la croissance illimitée apparaît, elle porte le nom de spéculation et est présage de crise (Vienne 1873, Wall Street 1929, Asie 1997).
Peut-on, au Québec, parler contre des politiques étasunienne sans se faire soupçonner d’antiaméricanisme? Faut-il minimiser nos propos chaque fois qu’on critique une intervention militaire, une politique sociale ou une politique économique de nos voisins du sud? Mon article traitait de l’économie des États-Unis et j’en profitais pour effleurer d’autres problèmes qui frappent le pays (pauvreté, racisme). Non, je n’ai pas parlé des paysans chinois qui (sur)vivent avec trois fois moins de revenus que leurs concitoyens des villes; ni des Noirs d’Afrique du Sud qui vivent toujours les effets socio-économiques de l’apartheid. Oui, j’aurais pu souligner que d’autres pays (comme la France) ont des politiques d’intégration des immigrants complètement pitoyables; ou que le Québec connaît aussi, à sa façon, des problèmes liés à la pauvreté, à l’accès aux logements ou à l’intégration des immigrants. Cependant, il ne s’agissait pas là de mon propos et j’espère que M. Descôteaux saura le remarquer à sa deuxième lecture de mon article.
Oh! Dernier détail. M. Descôteaux met le problème des écarts de richesse sur le dos des «bureaucrates corrompus qui s’en mettent plein les poches». Il est beau de voir d’honnêtes citoyens dénoncer des abus de la sorte, mais il est surtout surprenant de voir comment une position idéologique peut entraîner des interprétations superficielles d’un problème aussi complexe que celui de la pauvreté. Pourquoi ne pas plutôt cibler les politiques conservatrices entreprises depuis les crises du pétrole des années soixante-dix (par les gouvernements Thatcher, Reagan, Mulroney entre autres) comme créatrices des conditions nécessaires à la désagrégation de la classe moyenne en Occident? Et c’est maintenant la suprématie de l’idéologie néolibérale à travers tout le globe (programmes d’ajustement structurel; ouvertures inconditionnelles des frontières) – la «fin de l’Histoire» dirait Fukuyama? – qui provoque l’accroissement de la misère dans les pays dits en voie de développement ainsi qu’une walmartisation des conditions de travail en Occident. Vous savez M. Descôteaux, je n’accuse pas les États-Unis de tous ces maux. Cependant, vous devrez admettre que la droite conservatrice au pouvoir depuis 2001 n’est pas étrangère à tout cela.
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